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Introduction

Bienvenue, chères lecteurs et lectrices, dans la seconde aventure entourant le monde de la petite Jeannette Couchy. Si la première de ces aventures avait la forme d’un roman (Laurence) inventant de toutes pièces une vie à cette petite, la seconde sera une enquête retraçant ses origines. N’ayez crainte, il n’est absolument pas nécessaire d’avoir lu le roman Laurence pour suivre cette enquête. La raison est très simple : Jeannette et Laurence ont eu des vies indépendantes l’une de l’autre.

 

Pour être honnête avec vous, au début de cette seconde aventure je croyais pouvoir faire tenir le tout dans une dizaine de pages maximum. Après tout, j’allais faire une enquête sur les origines d’une petite fille de dix ans ayant vécue dans la dernière décennie du 19ième siècle! À moins d’inventer des événements, ce que je ne voulais pas faire puisqu’il s’agissait d’une enquête, je ne voyais pas comment le document allait être plus long que ces dix pages. Et pourtant…

 

Allant de découvertes en surprises, d’étonnement en  stupéfactions, cette enquête a fini par avoir l’ampleur que vous avez sous les yeux présentement. À l’aide de preuves, de documents légaux et d’hypothèses crédibles, vous découvrirez vous aussi, les yeux écarquillés, les origines de cette petite. Petite qui était, en apparence, la plus anonyme qui soit, seule de son âge dans un cimetière privé occupée par les sœurs Ursulines de Roberval, Lac St-Jean.

 

Tout comme les objets vus dans le miroir de droite de votre automobile sont plus près que vous ne le croyez, il en va de même avec l’Histoire, qui elle aussi est souvent plus près de nous qu’en apparence…

 

Christian Tremblay

 

 

 

Historique

Été 2002, je me promène dans le cimetière privé des sœurs Ursulines de Roberval, Lac St-Jean. Ce cimetière, inaccessible depuis 1882, peut enfin dévoiler ses secrets suite à l’incendie qui ouvra un trou béant dans le couvent quelques mois auparavant. 

Comme beaucoup de personnes qui aiment l’histoire, les cimetières sont pour moi une source de curiosité. J’aime bien lire les noms, l’âge des défunts, leur année de décès. Pour plusieurs il s’agit ici d’un exercice morbide. D’une certaine manière, cela est vrai. Pour d’autres par contre, c’est un exercice de mémoire collective. Les noms ne sont pas que des noms. Les dates ne sont pas que des dates. Pour imager, chaque génération s’est construite sur les épaules de la génération précédente. Oublier ce fait, c’est comme retirer la carte du bas de notre château; tout s’écroule. Nous ne comprenons plus rien de notre présent. Les repères s’amenuisent et nous cherchons à compenser ce manque autrement. C’est exactement ce qui est arrivé à notre société dans les années 60. Nous avons tout jeté, et aujourd’hui les centres d’achats (lire ici la consommation) ont remplacés nos racines profondes. Le résultat à long terme sera ce qu’il sera. Je ne suis pas ici pour juger de ce point.

Revenons à ma petite promenade dans le cimetière de l’été 2002. Il faisait un temps magnifique. Le Lac St-Jean était paisible avec une douce brise. Cette mer intérieure a une particularité rare; par beau temps, il est parfois possible d’apercevoir l’autre rive à des dizaines de kilomètres plus loin. Mais le plus souvent, l’eau se perd à l’horizon. Bref, c’était un temps où ceux qui comme moi ont quitté la région depuis longtemps se disent « Veux-tu bien me dire pourquoi j’ai quitté ce coin du monde? ».

 

En 2002, le cimetière privé des Ursulines comptait 116 pierres tombales. De ce nombre, il y avait 112 sœurs Ursulines, 2 prêtres et 2 pensionnaires. J’ignorais évidemment cette statistique au moment de ma visite. Ce que j’ignorais également, c’est qu’au moment précis où j’étais dans le cimetière, le Diocèse de Chicoutimi avait donné son aval à la demande des révérendes mères religieuses Ursulines de Roberval pour exhumer les 116 corps, les incinérer si nécessaire et les inhumer de nouveau dans le cimetière municipal de Roberval. La requête légale a été déposée et accueillit le 22 août 2002. On retrouve cette requête sous le numéro 200-05-017361-028.

 

Comme ma visite s’est faite au mois de Juin 2002, les photos que j’ai prise ce jour-là sont, sinon les dernières, certainement parmi les dernières. Pour ce qui est des images de la pierre tombale de Jeannette Couchy, je peux supposer qu’elles seront les seules à avoir été prises.

 

Lors du déménagement des corps au cimetière municipal de Roberval, toutes les pierres du cimetière furent bénites et réduites en poussière. Cette poussière a par la suite été enterrée. Merci à madame Klair Girard de Roberval pour ses recherches au sujet du destin de ces pierres.

 

Le nouvel emplacement de tous les corps qui était au cimetière privé des Ursulines :

Ce qu’il y a de bien dans le fait d’être une personne qui remarque les petits détails, c’est que… Nous remarquons les petits détails. C’est souvent avec ce trait de comportement que nous voyons des choses que la moyenne des gens ne remarque pas. C’est exactement ce qui s’est passé ce jour-là. Après avoir fait, fasciné, le tour des différentes rangées de pierres tombales en lisant les épitaphes, j’ai remarqué, un peu plus loin, un lilas en floraison. Sous ce lilas, une pierre tombale. Vous remarquerez sur la photo ici-bas l’orientation de ladite pierre. Cet ensemble attira mon attention. Il y avait anomalie. Pourquoi une pierre ainsi isolée des autres? Pourquoi en sens perpendiculaire aux rangées et orientée vers le Lac St-Jean? Inutile de dire que je me dirigeais vers elle…

Stupéfaction serait probablement le bon terme pour définir ma réaction suite à la lecture de l’épitaphe de cette petite pierre isolée. Cela tient sans doute du fait que je venais de lire des dizaines de pierres qui répondaient à une certaine constante, à savoir l’âge souvent avancé des défuntes et le fait qu’il s’agissait toutes de religieuses. En me dirigeant vers cette pierre isolée, j’étais donc dans cet état d’esprit et ce que j’y lu me fit écarquiller les yeux d’autant plus.

 

« JEANNETTE COUCHY

DEC 3 JUIN 1901

AGEE DE 10 ANS »

À ce moment deux phénomènes se passèrent simultanément dans ma tête. Le premier phénomène étant une série de questions qui se bousculaient. Des questions du genre « Qu’est-ce qu’une petite fille de dix ans fait ici? », « Pourquoi est-elle ainsi isolée des autres? », « Était-elle orpheline? ». J’avoue que pendant quelques minutes il y a un « blanc » dans mes souvenirs. Sans doute étais-je là, figé, en train d’assimiler ce que je voyais en risquant quelques débuts de réponses théoriques. Je tentais de rationnaliser un peu. En 1901, le couvent des Ursulines comptait déjà des centaines d’élèves, toutes des filles. Sur les milliers d’élèves qui étudièrent en ces murs entre 1862 et les années 60, il était possible, statistiquement, qu’il y ait eu quelques décès malheureux pendant l’année scolaire. Ca oui, mais… que le corps ne soit pas réclamé par la famille?  

 

Le second phénomène fut… un coup de foudre. En fait, deux coups de foudre. Le premier étant pour Jeannette Couchy, et le second étant un coup de foudre littéraire. Le coup de foudre pour la petite Jeannette s’explique assez aisément je crois. Outre le fait qu’il est tout-à-fait normal d’éprouver de la compassion pour un enfant qui décède si jeune peu importe l’époque, il faut savoir que j’étais, à ce moment précis de ma vie, en plein processus d’adoption de ma première fille, Léa Li. Mon cœur de père en devenir et le fait que j’allais adopter une petite fille orpheline m’a sans doute chaviré. Car après tout, l’explication la plus plausible de la présence de Jeannette dans ce cimetière était justement qu’elle était une petite orpheline. De plus, deux années auparavant j’avais fait un voyage humanitaire de plusieurs mois au Sénégal et j’y avais côtoyé des dizaines de petits garçons orphelins dans des écoles coraniques. Ce qui avait d’ailleurs inspiré l’histoire de mon premier roman, Makarou.

 

Le second coup de foudre, le coup de foudre littéraire, découle du premier. Je vais prendre ici quelques lignes pour expliquer ce phénomène car il a plus à voir avec l’histoire de Jeannette qu’il n’y parait. Comme tout créateur (auteur, parolier, dramaturge, etc.), la question qui revient le plus souvent ressemble à celle-ci « Où puisez-vous votre inspiration? ». Il n’y a malheureusement pas de réponse simple car les sources d’inspirations diffèrent d’une personne à l’autre. Si vous posiez cette question à, par exemple, Stephen King, Il vous répondrait que lui il « s’amuse » à imaginer une question en mettant deux situations en contradiction. Comme par exemple, pour le roman Mysery, il s’est posé la question « Qu’est-ce qui arriverait si un auteur célèbre se faisait sauver la vie par sa plus grande admiratrice et que cette admiratrice était une psychopathe? ». King part donc de cette interrogation et l’histoire du roman raconte la réponse à la question. Lui, c’est SA source d’inspiration. Un autre exemple fort différent et dans un autre domaine est le chanteur/parolier Larry Gowan. Gowan part d’un court énoncé qui la plupart du temps deviendra le titre de sa chanson. Il écrit, par exemple, « Criminal mind » en haut d’une feuille vierge et rédige son texte selon ce que l’énoncé lui inspire.

 

Moi? Et bien moi, c’est le coup de foudre littéraire. Je tombe par hasard sur un texte, une situation, un objet, et sans que je ne sache pourquoi, une histoire me tombe dessus tout d’un bloc. Comme pour la vraie foudre, ce phénomène est aussi imprévisible que surprenant, autant dans le temps que dans l’intensité.

 

C’est exactement ce qui s’est passé en cette belle journée de l’été 2002 à la lecture de la pierre tombale de Jeannette Couchy. Un coup de foudre littéraire. J’avais mon histoire, le tout accompagné de l’urgence d’écrire pour ne rien oublier. 

C’est ainsi que le roman Laurence est né. Laurence est mon coup de foudre littéraire. Toutefois, avant de débuter la rédaction de ce roman j’ai du lutter très fort pour contrecarrer une tentation naturelle : je DEVAIS séparer complètement la vie de la petite Laurence de celle de Jeannette Couchy. Ayant vécu au couvent des Ursulines de Roberval, je me doutais bien à ce moment qu’il y avait peut-être des traces du passage de Jeannette en ces murs. Je n’en avais pas la certitude, mais il y avait des possibilités. Mon problème résidait dans le fait que l’histoire de Laurence était selon moi une très bonne histoire. Sauf que la tentation de communiquer immédiatement avec le service des archives des Ursulines était forte. Je savais que si je faisais cela, il allait être difficile de ne pas intégrer des éléments biographiques de la vie de Jeannette dans celle de Laurence. Cette « contamination » de l’histoire de Laurence ne pourrait que nuire à l’histoire globale qui elle, se tenait toute seule.

 

Aujourd’hui je ne regrette en rien d’avoir résisté à cette forte tentation. Le résultat est que la vie de Laurence est une pure fiction et il faut prendre ce roman pour ce qu’il est, c’est-à-dire un roman de fiction imaginant la vie d’une petite fille dans un couvent au 19ième siècle. Il faut donc voir ces deux vies, Laurence et Jeannette, comme étant deux entités complètement indépendantes l’une de l’autre. Laurence a eu sa vie, et Jeannette a eu la sienne.

 

Ce n’est qu’après la rédaction du roman Laurence que je pris pour la première fois l’initiative de communiquer avec le service d’archives des sœurs Ursulines pour en savoir plus sur la vie de Jeannette Couchy. Mon intention était à ce moment d’ajouter ce que j’allais éventuellement apprendre en annexe du roman.

 

Pour être honnête, j’étais assez pessimiste tant qu’à mes chances de découvrir quelque chose. Il y avait eu des incendies successifs au couvent de Roberval au fil des décennies. De plus, ce qui restait des archives avait été centralisé au couvent de la ville de Québec. Puis… même s’il restait des documents, le service des archives me dirait bien ce qu’il voudrait me dire. Je n’avais à ce moment aucun moyen de vérifier. J’étais très loin de me douter à ce moment (nous étions en 2007) que huit ans plus tard la vie me mettrait de nouveau sur le chemin de la petite Jeannette.

 

Finalement j’avais eu tord d’être pessimiste. Le service des archives a retrouvé des informations. J’ai eu une conversation téléphonique avec une personne et en gros, voici ce qu’elle m’a raconté à l’hiver 2007 :

 

« Née d’une mère-fille dans un village du nom de « Haut-Sable » (village dont le nom n’existe plus et qu’il m’a été impossible de retracer),  Jeannette Couchy a été confiée au curé dudit village. Après quelques temps, le curé, par des circonstances inconnues, l’a finalement lui-même confiée aux sœurs Ursulines du couvent de Roberval. La petite y a vécu le reste de sa vie et est décédée en 1901, à ce couvent, d’une maladie cardiaque, semble t-il.

 

            Selon les archives des sœurs Ursulines, Jeannette était une enfant enjouée et intelligente. Toutefois, elle avait une grande tendance à défier l’autorité. Également, les sœurs du couvent de Roberval l’ont un peu « adoptée » et elles la considéraient presque comme leur enfant. L’été, lorsque toutes les autres fillettes quittaient, Jeannette restait seule avec les sœurs. 

 

            Réf :    Cimetière des Ursulines de Roberval

                       Cimetière municipal de Roberval

                       Les archives des Ursulines de Québec

 

C’est donc avec ce court texte que le roman Laurence fut finalement publié en 2011. Le délai entre la rédaction de l’histoire et sa publication s’explique surtout par le fait que parallèlement à tout cela mon premier roman, Makarou, avait été publié en 2005 et que je mettais beaucoup d’efforts à le mettre en marché et le vendre. De plus, certaines épreuves de la vie nous force parfois à retarder des projets.

 

Bien qu’heureux d’avoir trouvé des éléments biographiques de Jeannette, je trouvais cela très mince. Ce qu’on m’avait dit répondait à certaines questions mais en contrepartie, en posait d’autres. Comme par exemple le nom de son village d’origine. À ce moment j’ai passé des heures à chercher n’importe quoi qui aurait pu me donner un indice sur ce soi-disant village. Il n’y avait rien. Plusieurs petits villages se sont éteints au fil des années. Je fini par me dire qu’il s’agissait peut-être soit d’un village qui n’existait plus sur aucune carte aujourd’hui, ou que tout simplement le service d’archives des Ursulines m’avait donné une mauvaise information.

 

Aujourd’hui en 2015 je lis ce texte autrement. M’étant depuis familiarisé avec l’analyse de texte, je le regarde avec des yeux différents. Attention! Je ne dis pas ici que le service des archives a volontairement occulté des informations. Jusqu’à preuve du contraire ce service m’avait donné ce qu’il avait, et ce de bonne foi. Par contre, il y a toujours dans un texte « ce qui est dit » et « ce qu’il sous-entend ». C’est ici que chaque mot, présent ou pas, prend son importance.

 

En 2011, au moment de publier le roman, j’avais les informations suivantes, soit par le texte lui-même, soit par les déductions qu’on peut en tirer :

 

  • Jeannette Couchy était née en 1891

  • Le nom de son village était Haut-Sable

  • Elle était née d’une fille mère

  • Elle a été confiée au curé de ce village

  • Ce curé l’a par la suite confiée aux sœurs Ursulines de Roberval

  • Elle y a vécu le reste de sa vie

  • Les sœurs Ursulines l’ont adoptée comme étant leur fille

  • Jeannette passait ses étés seule avec les sœurs Ursulines

  • Elle y est décédée d’une maladie cardiaque.

 

En février 2015, c’était encore les seules informations que je possédais. À la première lecture tout ceci forme une histoire assez cohérente. Toutefois… La majorité de ces lignes posaient problème.

 

Ligne 1, « Jeannette Couchy » : Pour le prénom ça va. C’est un prénom qui était commun à cette époque. Par contre le nom de famille n’était absolument pas présent au Saguenay Lac-St-Jean et ne l’est pas plus aujourd’hui. On ne retrouve presque pas de traces de ce nom de famille au Québec. Il y en a, mais à une échelle de quelques unités seulement et ils sont bien antérieures à la date de naissance de Jeannette. Il y avait trois  possibilités : Soit ce n’était pas le bon nom de famille (ce qui était possible vu l’énorme tabou des enfants de filles mères à cette époque), soit il y avait eu erreur dans la transcription de documents légaux ou soit la petite Jeannette n’était pas originaire du Québec.  

 

Ligne 2, le nom du village, Haut-Sable : Encore aujourd’hui vous aurez beau chercher, ce village n’existe pas. Encore là, quelques hypothèses : Tentative de cacher la bonne information, retranscription d’une mauvaise information, déformation d’une bonne information, village disparu depuis ce temps, village francophone à l’extérieur du Québec.

 

Ligne 3, née d’une fille-mère. À ce moment de l’enquête, rien ne permettait de contester cette affirmation. Il fallait donc la prendre comme telle et assumer que c’était la vérité.

 

Ligne 4, la petite Jeannette a été confiée au curé dudit village. La ligne 4 me causait plusieurs problèmes et questionnements. La première partie « a été confiée » semble logique si effectivement Jeannette était née d’une fille-mère et que l’on ne regarde pas l’événement avec nos yeux d’aujourd’hui. Toutefois la dernière partie « au curé du village » était plus problématique. Il n’y a ici que deux possibilités. Soit cette information était vraie, soit elle était fausse… Cela semble évident comme ça mais chacune des hypothèses impliquent des choses différentes.

 

Si cette information était vraie, cela impliquait nécessairement que Jeannette était née dans un très petit village sans structure aucune, donc un lieu de colonisation isolé. Sinon, la petite aurait été confiée immédiatement à une crèche toute proche. Ce « transit » chez un curé démontrait aussi l’impossibilité ou le non-vouloir de la famille élargie de Jeannette de s’en occuper, même temporairement. Un village de colonisation isolé est aussi synonyme de pauvreté extrême. Mon grand questionnement face au fait que cette information était vraie est qu’en 1891, dans un village sans structure, si la famille proche ou une autre famille était dans l’impossibilité de s’occuper d’un poupon, je ne voyais pas comment un curé aurait pu faire mieux. Ceux qui ont déjà eu des enfants savent à quel point que voir aux besoins de bases d’un poupon demande, même en 1891, un minimum de logistique et de soins. Soit la petite Jeannette n’a été chez ce curé que très très peu de temps, soit le curé a eu beaucoup d’aide (ce qui pourrait vouloir dire un séjour plus long). Pour les deux possibilités le résultat est le même, Jeannette a fini par quitter ce village. Personnellement, si ce séjour chez le curé était vrai, j’optais pour un temps très court.

 

Si cette information était fausse et que la petite n’avait jamais été confiée au curé de ce mystérieux village, la première question qu’il faut se poser est « Pourquoi alors cette information s’est retrouvée dans les archives des Ursulines de Québec? ». Histoire inventée? Ok, mais par qui? Et surtout pourquoi?? Dans la vraie vie, inventer une histoire ce n’est pas comme pour un roman. Lorsqu’une histoire est inventée dans la vraie vie, c’est nécessairement pour en cacher une autre. De plus, le lien « Curé-Ursulines » était beaucoup plus facile à faire (peu importe où se trouvait ce village) qu’un lien « Fausse histoire-Ursulines ». Cette possibilité, que je n’écartais pas, avait toutefois l’inconvénient de créer un énorme trou dans la séquence des événements. À ce moment (mars 2015), si j’attestais la thèse de la fausse histoire, cela voulait dire que je n’avais plus de moyens de savoir quand la petite avait aboutis chez les Ursulines de Roberval. À sa naissance? À cinq ans? Plus tard? Et que s’était-il passé pendant tout ce temps? Et avec qui?

 

Ligne 5, le curé l’a par la suite confié aux Ursulines de Roberval. Ceci impliquait que la seconde partie de la ligne 4 était vraie. N’en demeure pas moins que cette affirmation causait également des problèmes. Comme je l’écrivais plus haut, sur papier il est aisé de trouver la filiation « Curé-Ursulines » logique et sensée. En effet, on peut comprendre un curé de village éloigné, sans doute désespéré de se retrouver avec un poupon « sur les bras », veuille s’en « débarrasser » au plus vite, qu’il ait de l’aide ou pas. Tout le défi résidait dans l’emplacement de ce village Haut-Sable. Si l’on acceptait que les noms n’aient pas été erronés ou trafiqués, deux petits détails militaient encore en faveur d’un village au minimum éloigné, et au maximum très éloigné du Saguenay Lac-St-jean : À savoir le nom du village lui-même qui demeurait introuvable dans cette région et au Québec, et le nom de famille de la petite Jeannette qui ne trouvait aucune attache au Québec. Il fallait ici en venir à une petite équation : plus ce mystérieux village était éloigné de Roberval, plus il compliquait la filiation « Curé-Ursulines ». Pour illustrer, si par miracle je trouvais un village Haut-Sable caché dans les archives des cités et villes de la province du Nouveau-Brunswick, le curé de ce village aurait eu beaucoup d’autres options avant de se dire « Je vais communiquer avec les Ursulines de Roberval! ». Il faut se reporter à l’époque. Nous sommes dans les années 1890. Tout est compliqué et difficile, y comprit la communication et les transports. Encore là, dans mon exemple fictif, il y avait sans doute beaucoup d’endroits tout à fait capables d’accueillir Jeannette dans un rayon raisonnable de kilomètres. C’était donc le cul-de-sac pour résoudre cette filiation. Il me fallait absolument trouver ce village d’une manière ou d’une autre.

 

Ligne 6, elle y a vécu le reste de sa vie. Tenant compte de tout ce qui est écrit précédemment, je ne pouvais absolument pas définir ce que voulait dire « le reste de sa vie ». Si j’avais la date de fin de vie, il me manquait le moment de son arrivée au couvent. À ce point de l’enquête, ca aurait pu être n’importe quand entre « Quelques jours après sa naissance et quelques années avant son décès ». Je devais accepter cet énoncé comme tel pour le moment.

 

Ligne 7, les Sœurs Ursulines l’ont adoptée comme étant leur fille. Cette phrase est lourde de sens et donne certains indices. Adopter un enfant comme étant ta fille signifie, en théorie, deux choses. Premièrement la durée et deuxièmement l’attachement. L’un découle de l’autre et inversement. Cette phrase ne me permettait évidemment pas de chiffrer le nombre d’années que Jeannette avait passé au couvent des Ursulines, mais on peut dire sans se tromper que cela a été assez long pour avoir le temps de s’attacher solidement à elle et de la considérer comme leur fille. Donc, par définition, l’aimer. L’idée ici n’est pas de tomber dans le sentimental facile mais je dois avouer qu’au fond de moi je trouvais cette phrase rassurante à quelque part. Au-delà de ses origines qui demeuraient encore très mystérieuses, je pouvais au moins supposer qu’elle avait terminée ses jours dans un endroit où elle était aimée et qu’elle ne manquait de rien. C’est peut-être une vision romantique des choses, mais encore aujourd’hui j’ose y croire.

 

Ligne 8, Jeannette passait ses étés seule avec les Ursulines. Évidemment, ce qui saute aux yeux sont les deux mots « ses étés ». Cela veut dire au moins deux étés et permet d’éloigner la date de son arrivée par rapport à la date de son décès. Jeannette est décédée le 3 juin 1901. À ce moment de l’enquête je n’avais que sa pierre tombale pour attester de son âge et l’information que j’avais était qu’elle avait dix ans à la date de son décès. Nous verrons dans la suite de cette enquête que cet âge doit être remit en question à cause de documents contradictoires. Mais en mars 2015 l’information que j’avais était dix ans alors calculons à partir de cet âge. Elle est décédée la première semaine de juin 1901 donc. Nous savons que l’expression « ses étés » signifie au moins deux étés. Dans ce « deux étés », j’exclus l’été 1901 pour la simple raison qu’à cette date la période scolaire n’était pas encore terminée et que par définition Jeannette n’était pas « seule » avec les sœurs Ursulines. On doit donc assumer que ces « au moins deux étés » étaient les étés 1900 et 1899. Étant née en 1891 (selon les informations que j’avais à ce moment), Jeannette serait donc arrivée au plus tard dans la première moitié de l’année 1899 et avait huit ans. C’était le plus loin où je pouvais aller avec des certitudes. Tout ce qui précédait début 1899 n’était encore qu’hypothèses.

 

Un autre mot est intéressant dans la ligne 8. Le mot « seule ». Ce mot renforce quelques hypothèses : premièrement il atteste que Jeannette n’avait pas de famille, et qu’elle était orpheline ou considérée comme tel. Cela signifie aussi qu’elle était une exception dans le couvent. Le couvent des Ursulines n’était pas une crèche pour les orphelines mais bien une école. Cette école comptait deux types d’élèves, les externes (résidentes du village de Roberval) et les pensionnaires (enfants de l’extérieur envoyés en pension le temps de l’année scolaire). Il n’y avait pas, en 1901 et avant, de structure pour accueillir les fillettes orphelines, pas plus qu’il y avait une structure pour accueillir des enfants en très bas âges.

 

À partir de ce « statut particulier », on peut se risquer sans trop de craintes à émettre quelques pistes sur la vie de Jeannette au couvent de Roberval. Je ne vais pas aller très loin dans ce domaine car la limite entre « ce que nous savons » et « ce que nous pensons » est très vite atteinte. Il était impossible à ce point de l’enquête de savoir si Jeannette était vraiment LA SEULE enfant qui passait ses étés au couvent de Roberval. Si elle n’était pas la seule, ce n’était au minimum pas la norme.

 

Je vais ici prendre un peu d’avance et vous dévoiler un élément qui fera partie de la seconde moitié de cette enquête, c’est-à-dire après la découverte d’un document important concernant Jeannette et qui a motivé la poursuite de la découverte de sa vie. Ce texte est accessible à tous. Il s’agit juste de le prendre et le mettre dans le contexte de la présente enquête. La petite phrase en question se trouve dans le livre mythique de Rossel Vien, Histoire de Roberval, publié en 1954 pour souligner le centenaire de la ville. Pour mettre en contexte, Monsieur Vien décrit les suites du grave incendie du couvent des Ursulines de janvier 1897 qui fit sept victimes, toutes des sœurs Ursulines. Il faut savoir que cet incendie a eu lieu au tout début janvier et qu’il n’y avait pas d’élèves présentes puisque nous étions encore pendant le congé des fêtes. À la page 149 du livre nous y lisons ceci « Les religieuses se divisèrent en trois groupes : un au presbytère, les deux autres dans des foyers privés. Les quatre élèves qui restaient au couvent furent reçus chez l’aubergiste Alphonse Marcoux. Elles retournèrent ensuite dans leurs familles, à Québec et à Sherbrooke ». Ce que nous pouvons conclure de cet extrait? Sauf l’élément factuel qu’à l’hiver 1896-1897 il y avait quatre élèves qui restaient au couvent, on peut dire qu’il n’était pas inhabituel que des fillettes « restent au couvent ». Maintenant, à savoir si Jeannette faisait partie de ce groupe de quatre élèves en 1897 et que Rossel Vien parle d’elle indirectement sans le savoir, c’est un pas que je ne vais pas franchir ici par manque de preuves. Toutefois, si Jeannette était déjà présente dans ce couvent à l’hiver 1896-1897, force est de constater qu’elle faisait partie de ces quatre élèves.

 

Jeannette passait donc ses étés avec les sœurs Ursulines. Cette proximité avec les certaines sœurs a certainement du renforcer le lien d’attachement entre la petite et la communauté. Il ne peut en être autrement. D’où l’expression « les Sœurs Ursulines l’ont adoptée comme étant leur fille » de la ligne 7. On peut supposer que pendant ces étés elle participait, à sa mesure, aux diverses tâches du couvent. Si elle était vraiment LA seule, elle ne devait pas prendre ses repas isolée dans un coin. Sans doute allait-elle au village avec des Sœurs pour diverses raisons. Aussi, un enfant en bas de dix a surtout besoin de bouger et jouer, ce qui me fait dire qu’elle était certainement en contact avec des enfants de son âge dans le coin du couvent. Je sais que nous sommes ici dans le domaine de la spéculation mais Jeannette n’était pas différente des autres enfants de son âge et de son époque, ce qui implique qu’elle faisait les mêmes choses.    

 

Ligne 9, elle y est décédée d’une maladie cardiaque. Phrase étrange s’il en est une. Pour moi, une personne du 21ième siècle, l’expression « maladie cardiaque » ne veut absolument rien dire. C’est comme dire d’une personne « Elle est décédée de folie ». Ces expressions étaient fréquentes à cette époque par simple manque de connaissances. Il allait falloir que je creuse ça sérieusement. Ce diagnostique venait de où? Était-il le résultat d’un examen médical ou une simple supposition avec les connaissances du temps? Un médecin qui lit ça aujourd’hui peut-il en tirer des conclusions? Et ca ressemble à quoi, une fin de vie d’une enfant de dix ans qui a « une maladie cardiaque » en 1901?

 

Voilà donc pour l’interprétation que j’avais des informations factuelles que m’avait données en 2007 le service des archives des Ursulines de Québec. Au moment où j’étais avec la responsable au téléphone et que le prenais ces petites phrases en sténo, je fus surpris par la suite de son propos. Je croyais avoir « fait le tour » puisque l’histoire se terminait sur un décès. C’est alors que la dame me récita un texte assez surprenant. Ce texte fait également partie de l’annexe à la fin du roman Laurence. Il va comme suit :

 

 « Selon les archives des Sœurs Ursulines, Jeannette était une enfant enjouée et intelligente. Toutefois, elle avait une grande tendance à défier l’autorité. »

 

Comme je l’écrivais au début de cette enquête, dans un texte, il y a son contenu brut d’une part, et le contexte de son contenu d’autre part.

 

Débutons ici par son contenu brut. Jeannette, une petite fille d’à peine dix ans, une enfant enjouée, intelligente et qui avait tendance à défier l’autorité. Je lis cette ligne aujourd’hui et je ne peux m’empêcher de sourire. Tout simplement parce que ma plus jeune, Sara Kim, a exactement cet âge et correspond parfaitement à cette courte description. Cela me donne « un pogne » à laquelle m’accrocher pour imaginer le reste de sa personnalité. Cette anecdote mit à part, reste que ces traits étaient des informations très précieuses pour le reste de l’enquête. Il serait désormais beaucoup plus facile de s’imaginer comment Jeannette pouvait réagir face à ceci ou cela. Également, sans en être certain, je me suis dis que ces petites informations allaient peut-être être utiles pour un médecin en rapport avec la cause de son décès. Puisque de toute évidence nous ne faisions pas face à une enfant constamment affaiblit par la maladie, sans énergie ou caractère.

 

 Viens ensuite le contexte de tout ce contenu. Je vais inclure ici d’une part les neuf  énoncés que nous avons analysés et d’autre part la phrase ci-haut qui traite de la personnalité de Jeannette. Si, au début de l’enquête je trouvais que ce que j’avais obtenu des archives des Ursulines ne disait pas grand-chose, après cette analyse minutieuse je me suis mit à penser le contraire, à savoir qu’il y en avait peut-être trop. Et s’il y en avait trop, pourquoi était-ce le cas? Certes il y avait encore d’énormes trous à combler, surtout sur ses origines, mais sur d’autres aspects je commençais à trouver que c’était beaucoup de détails pour une fillette orpheline de dix ans enterrée dans un cimetière privé à l’écart des autres. Je m’explique…

 

Pour prendre une comparaison très boiteuse mais pertinente, qu’est-ce que nous dirions si un jour, un archéologue arrivait avec un bout de papyrus écrit en l’an 50 de notre ère sur lequel serait écrit :

 

«  Jésus est né un 6 janvier, sa mère n’était pas vierge, son père est décédé quand il avait 5 ans, il faisait partie de la secte des esséniens, il avait une femme qui se nommait Mariamné et trois enfants. Ce sont les apôtres qui l’ont sorti de sa tombe pendant la nuit. »

 

Notre premier réflexe serait de dire à cet archéologue « Ben voyons! C’est trop beau pour être vrai ton texte! Tu réponds en un seul document et en quelques lignes à toutes les questions que nous nous posons depuis 2000 ans! »

 

Mon parallèle entre ce texte imaginaire sur Jésus et les informations au sujet de Jeannette est le suivant : pourquoi avoir rédigé tant de détails sur cette fillette? Durant la centaine d’années que ce couvent a été actif il y est passé des milliers de jeunes filles. Est-ce qu’il existe des détails aussi précis pour chacune de ces filles dans les archives des Ursulines?  J’espère que non car la voute doit faire dix étages! Au Début avril 2015 j’ai longuement réfléchis à cette incongruité. À ce moment j’ai réduis les possibilités à trois.

 

Première hypothèse : Je me suis fait monter un gros bateau et tout cela était de la pure fiction. Les Ursulines inventent des histoires pour faire taire ceux qui posent des questions. Je mis cette hypothèse dans la section « possible mais peu probable ».

 

Seconde hypothèse : Effectivement, les sœurs Ursulines gardent ce genre de documents et détails pour toutes les filles ayant fréquentés leurs murs. Ce qui en ferait une source inépuisable de petites biographies sur des milliers de personnes. Je mis cette hypothèse dans la section « pratiquement impossible ».

 

Troisième hypothèse : À cause du statut particulier de la petite Jeannette Couchy, à savoir que les sœurs Ursulines la considérait comme étant leur fille, elles ont, tout naturellement et de quelconque façon, gardées plus de détails pour elle que pour les autres, comme par exemple un texte qui aurait pu être lu lors de ses funérailles ou autres. Je mis cette hypothèse dans la section « probable ».

 

À chacun de se faire une idée. En mars 2015 j’en étais là dans mes réflexions.

 

Beaucoup de questions, quelques réponses.

 

L’enquête ne pourrait avancer sans quelque chose de nouveau. Les Ursulines m’avaient dit ce qu’elles avaient à me dire et la pierre tombale aussi. Je pouvais bien essayer de creuser un peu concernant la cause de son décès mais cela ne répondrait qu’à cette question spécifique.

 

Je n’aime pas les petites phrases toutes faites que l’on se répète pour tenter de se convaincre de quelque chose. Je vais faire une exception cette fois.  On dit souvent que chacun fait sa chance, bien, c’est exactement ce qui m’est arrivé début avril 2015. La foudre allait frapper de nouveau. Pas pour un roman cette fois, mais pour me permettre de faire débloquer les choses sur plusieurs aspects. Par certains moments la réalité allait même dépasser la fiction. Cela ferait l’objet de la seconde partie de cette enquête qui sera décrite dans les pages qui suivent.

 

Toutefois, afin de donner à tout le monde le temps de reprendre son souffle, j’aimerais vous entretenir quelques minutes du roman que Jeannette Couchy m’a inspiré, Laurence. Je le fais maintenant car c’est ici que leurs destins se séparent. Après avoir recueillis les informations citées plus haut, je fini par faire imprimer Laurence et négocier avec un éditeur sa disponibilité pour les tablettes de lecture Apple. Laurence est d’ailleurs encore disponible sur cette plateforme aujourd’hui. Comme pour mon premier roman, Makarou, j’ai tout fait moi-même : rédaction, correction, mise en page, négociation pour la page couverture et impression, mise en marché et ventes. C’est pour cette raison que la version papier de ce roman n’était disponible que par moi directement. Je suis comme ça, j’aime contrôler mes choses. Premièrement parce que je rebute à céder tous mes droits de mes écrits à un éditeur, et deuxièmement parce que lorsque l’on garde ses droits sur ses œuvres, nous sommes toujours libre de faire ce que l’on veut avec par la suite. Comme par exemple, si Laurence avait été édité chez un éditeur, il aurait fallu que je négocie avec lui les règles de cette enquête. Aussi, si un jour je décidais de modifier mon histoire, je vais être totalement libre de le faire.

 

Ça a ses qualités, et ses défauts… Le défaut principal étant évidemment l’absence de visibilité. Effectuer toutes les tâches pour accoucher d’un roman, c’est vraiment beaucoup de travail. Avec du temps et de la motivation on y arrive mais il y a forcément des manques.

 

À n’en pas douter, la version papier de Laurence a été un échec commercial retentissant. Je le dis sans gêne car c’est la vérité. Si j’additionne les copies que j’avais fait imprimer et les demandes que j’ai eues depuis ce temps, on arrive à environ 50 copies papier. La version électronique a eu un peu plus de succès avec plus ou moins 150 téléchargements.

 

Malheureusement je n’avais pas les milliers de dollars à mettre dans une mise en marché digne de ce nom. J’ai fais des efforts sur Facebook à l’automne 2014 avec un projet que je trouvais fort intéressant. Je demandais aux gens de réserver leur copie en la payant d’avance, et lorsque j’allais arriver à 100 ventes j’aillais faire imprimer le roman et les expédier par la poste. Au début de ce projet j’étais enthousiaste car plus de 110 personnes avaient fait un « j’aime » sur la page Facebook que j’avais créé. Je me disais que même si seulement 75% de ces gens complétaient la transaction, c’était un très bon départ pour lorsque viendrait le temps de donner les sous. La date du début du projet arriva. Les gens avaient un mois pour compléter leur transaction. Pendant ce temps je faisais de la petite publicité à gauche et à droite pour atteindre mes 100 copies. Je voulais même faire le lancement de Laurence dans l’ancien couvent des Ursulines ou dans le vieux couvent de Val-Jalbert.

 

Malheureusement, cette aventure fut une rencontre avec mon orgueil et mon humilité. Après les quatre semaines de prévente seulement quelques copies avaient été vendues. Sur le coup j’en ai conclu que les gens étaient très prompts à encourager un projet mais que lorsque venait le temps de payer pour avoir le produit… Je pris donc quelques semaines pour réfléchir à tout cela et tranquillement ma première impression a changé. Je crois que c’était un réflexe normal de frustration à la suite de tous les efforts que j’avais mit à accoucher de cette histoire. J’avais débuté la rédaction en 2002 et nous étions en 2014. C’était des centaines et des centaines d’heures de travail un investissement financier dans les quatre chiffres que je jetais au feu. Bref, j’étais frustré.

 

Le temps a passé et j’ai commencé à voir les choses autrement. Le problème, c’était moi. Le marketing est un art et je n’ai pas de formation dans ce domaine. Je fais tout par essai-erreur. Sauf que quand vient le temps de vendre un truc, la notion « d’erreur » ne pardonne pas. Nous n’avons pas deux chances de vendre un produit quel qu’il soit. J’ai sans doute utilisé les mauvais mots, les mauvaises stratégies, etc. Je n’ai pas su intéresser les gens à mon histoire. Pas que tout ce que j’ai fais était mauvais, mais il devait bien manquer quelque chose.

 

Personnellement je trouve encore aujourd’hui que l’histoire de Laurence est une bonne histoire. Sauf que comme j’en suis le créateur je n’ai aucune crédibilité pour la juger. J’ai eu peur un moment d’être « tombé en amour » avec mon produit. Ce phénomène est connu dans tous les métiers de création. Il se retrouve beaucoup chez les inventeurs qui croient que leur produit est une nécessité pour l’humanité alors que la masse le trouve ridicule. Tomber en amour avec son produit, c’est comme tomber en amour avec une personne, on ne voit plus claire et on fait des choses irrationnelles.

 

Je me regardai donc dans un miroir pour me demander si, moi aussi, j’étais tombé dans ce piège. « Suis-je en amour avec cette histoire ? », « Finalement, est-ce une bonne histoire si de toute évidence personne ou presque ne veut l’acheter? ».

 

Pour avoir un début de réponse je du me tourner vers l’extérieur. Je l’écrivais plus haut, moi, je n’avais aucune crédibilité pour juger de ceci. Car après tout, même si il n’y avait pas des milliers de personnes qui l’avaient lu, j’avais tout de même un échantillon de 200 ventes plus tous ceux qui avaient prêté le roman à des parents ou amis.

 

Je rassemblai donc d’une part tous les commentaires écrits que j’avais vu passer depuis 2011 et d’autre part je me rendis sur le site Internet d’Apple à l’onglet où les gens qui avaient lu Laurence pouvaient le noter sur une échelle de cinq étoiles. Le résultat de mes lectures et des notes d’Apple me rassura grandement. Les gens qui avaient lu Laurence l’avaient en très grande majorité adorés. Que mon père, ma sœur ou mes amis proches me disent que ce roman est bon est une chose (Ils n’ont pas plus de crédibilité que moi!!), mais que de pures étrangers me disent la même chose en était une autre. Je ne vais pas publier ici les commentaires écrits que j’ai reçu puisque ce document est une enquête sur le destin de Jeannette Couchy et non une publicité pour Laurence. Toutefois je me permets d’inclure la page de notation du site Internet d’Apple. Pour faire court, 16 personnes ont notés le roman Laurence et la note moyenne donnée est de 4,5 étoiles sur 5. N’importe quel auteur d’un roman serait plus que satisfait avec une telle note. On peut faire un parallèle avec les films au cinéma. Évidemment tout est une question de gout mais si votre préférence à vous est les films d’action et qu’un film reçoit une note de 4,5 sur 5 de la part des cinéphiles (et non des critiques) après quelques semaines à l’affiche, vous serez fortement tenté d’aller le voir. Voici donc le tableau en question. 

Dans une bonne mesure j’avais ma réponse. Je n’étais pas en amour avec mon roman, les gens qui l’avaient lu l’ont adoré, cette histoire était une bonne histoire et le problème de ventes et diffusion provenait de l’auteur. Et l’auteur, c’était moi.

 

Je ne connais pas le futur de la version papier de Laurence. Après l’échec de l’automne 2014, j’ai arrêté tout effort pour pousser une autre offensive. Il me reste 3 ou 4 copies papier chez moi et il est toujours disponible chez Apple. Peut-être qu’un jour des circonstances favorables permettront de le rendre accessible à plus grande échelle. Je ne sais pas.

 

En attendant je travaille à lui donner une autre forme, soit l’adapter en scénario de film. Ce parcours sera encore plus long et compliqué. Je peux éditer un roman moi-même, mais je ne peux certainement pas tourner un film! L’avenir dira ce qu’il adviendra de Laurence.

 

Dans l’intervalle, je mène cette enquête dans le but de donner une famille à Jeannette Couchy.

 

Sauf qu’entre 2007 et mars 2015, aucun nouvel élément ne permettait de faire avancer quoi que se soit. Jeannette restait seule et orpheline. J’espérais toujours.

 

Puis, première semaine d’avril 2015, le second coup de foudre dont je parlais plus haut arriva. L’histoire de cette découverte tient à la fois du hasard, de la chance et de l’évolution de la technologie. Entre 2007 et début 2015, il m’arrivait d’aller voir sur Internet si par hasard je pouvais trouver quelque chose de nouveau. Il faut savoir qu’à tous les jours des documents anciens de partout dans le monde se numérisent et se retrouvent disponibles pour tous. Ma démarche n’était donc pas inutile mais relevait de la chance.

 

J’étais donc sur Internet à écrire diverses combinaisons possibles pour voir si Google trouverait quelque chose de nouveau. Je ne me souviens plus exactement des mots mais ça devait ressembler à « Décès Jeannette Couchy 1901 ». Cette fois, contrairement à mes dizaines d’essais depuis 2007, Google me sorti un résultat intéressant tout en haut de la page. Honnêtement à ce moment là je n’ai pas vraiment réalisé tellement j’étais surpris. Dans le résultat de Google il y avait un fichier attaché. Ce fichier portait un titre : « Acte de décès J. Couchy 1901 Roberval ».  

 

Il n’y avait pas de doute. C’était elle.

 

Accroché à mon Iphone (je n’ai pas Internet sur mon ordinateur), je clique sur le lien du site. Je parlais de chance tantôt. Je lu un message sur ce site qui disait que cette journée seulement les enregistrements étaient gratuits. Si j’avais fait cette recherche une journée avant ou après, je ne l’aurais peut-être même pas vu passer. Mon doigt touche alors le fichier en question et une page m’apparaît. Il s’agissait de la numérisation d’un livre complet d’actes de décès de la paroisse de Roberval au début du siècle dernier. Ce livre comptait 96 pages, toutes disponibles pour ce 24 heures. Chaque image numérisée représentait deux pages du livre. Chacun des actes tenait en quelques lignes manuscrites. Le Jack pot, quoi

Je cherche frénétiquement l’acte de décès de Jeannette. Je passe d’une page à l’autre en agrandissant à chaque fois car la lecture de cette écriture n’est pas facile, surtout sur l’écran d’un Iphone! Je la trouve finalement. L’acte de décès débute en bas de la page 20 et se termine en haut de la page 21.

 

Vous savez quoi? Mon premier réflexe n’a même pas été de lire, mais bien de prendre cinq ou six captures d’écran. Même si c’était improbable, j’avais trop peur d’oublier de faire ces captures avant que le document ne soit plus disponible, et si Internet plantait avant que je les capture? Et si, et si! Tout cela était irrationnel mais dans la frénésie du moment c’est le premier réflexe qui m’est venu. Une fois rassuré sur mes captures d’écrans, je débute la première difficile lecture de l’acte. Cette écriture en « lettres attachées » comme on disait datait tout de même d’un autre siècle. Nos yeux ne sont pas habitués à ça.

 

Pour ne pas vous imposer ce déchiffrement, je vais transcrire ici l’acte en question. Par la suite je vais le commenter car il y a beaucoup à dire. Attendez-vous à quelques surprises… Quand je disais que parfois la réalité dépasse la fiction, c’est ici le premier cas d’une série de quelques-uns dans cette enquête.

 

 

 

 

 

 

Dans la marge de gauche de l’acte de décès on trouve ceci :

- Deux signes sont illisibles mais ressemblent à des initiales.

- La mention « Marie-Jeannette Couchy 9 ans ».

- La mention « -Village- » 

En bas de la page 20 on lit :

« Le cinq juin 1901, nous prêtre sousigné avons inhumé dans le cimetière des révérendes dames Ursulines de cette paroisse le corps de Marie-Jeannette »

En haut de la page 21, la suite :

- fille issue du légitime mariage de George Couchy et de Marie-Jeannette Winton de la paroisse aux sables de l’état de Michigan, décédée l’avant-veille dans cette paroisse à l’âge de 9 ans. Présents à l’inhumation Thomas-Louis Paradis et Joseph Gauthier qu’ont signé avec nous lecture faite »

- Signature de Joseph Gauthier

- Signature de Thomas-Louis Paradis

- Signature du prêtre (Nom illisible).

Dire que j’avais « la gueule à terre » serait un euphémisme.

 

- 9 ans sur l’acte et 10 sur la pierre?!

- Issue d’un mariage légitime?! Et la fille-mère elle? Et le curé?

- Paroisse Aux Sables?!

- Michigan?!! Comment ça Michigan?? C’est à plus de 2000 kilomètres de Roberval!

 

En quelques lignes écrites en 1901, je venais de me faire lancer en plein visage un tout autre « set » de paramètres pour continuer l’enquête. J’étais excité, content, et mélangé à la fois. Je du relire ce texte une dizaine de fois pour qu’il entre dans ma tête. Puis la question « Par où commencer? » me vint à l’esprit. Je fis alors l’exercice suivant. Ce petit exercice est souvent pratique pour découvrir quel doit être notre première action pour surmonter une série de défis. Je mis toutes ces informations en une seule phrase, la plus courte possible. Dans ce cas, ca a donné ceci :

 

« Jeannette, 9 ans, issue d’un mariage dans la paroisse Aux Sables au Michigan ».

 

J’avais ma réponse. Pour remonter à Jeannette je devais débuter par « Michigan », puis la « paroisse », puis le « mariage » ensuite son « 9 ans ».

 

J’ouvris donc mon Google Map…

Jeannette, les origines

Seconde partie

Avant de débuter la rédaction de la seconde partie de cette enquête, je dois prendre le temps d’écrire un peu sur ce que vous venez peut-être de penser : « Donc, le service des archives des Ursulines avait tout faux et ils ont inventés n’importe quoi car plus rien ne tiens ». Je comprends votre réaction. Mais juste vous dire, avant de juger de ce fait trop rapidement, svp attendre la suite de l’enquête. Il reste des surprises et je veux les dévoiler au bon moment afin de ne pas tout mélanger et que l’enquête perde de la cohérence dans sa démarche. Aussi, ce n’est pas TOUT qui est différent entre l’acte de décès de Jeannette et les informations du service des archives des Ursulines. Bien qu’il n’y ai qu’un seul point commun, la mention « Aux Sables » dans l’acte et la mention « Haut sable » du service des archives, il est là, et il est très important. Je l’écrivais au début de ce document, nous faisons face ici à des faits, des événements et des écrits qui datent de plus de 115 ans. Nous venons également d’apprendre que la langue a certainement été un facteur pour certaines confusions. De plus, ces vieux documents, comme vous venez de le lire dans l’acte de décès de Jeannette, peuvent facilement porter à erreurs dans le cas de transcription d’un formulaire à un autre. Il y a aussi toute l’informatisation où des erreurs de transcriptions ont pu se glisser. Bref, rien n’est simple et cela demande un travail rigoureux de vérification et contre-vérification.

 

Je ne pouvais pas encore douter de la bonne foi des archives des Ursulines. Justement à cause de ce point en commun « Aux Sables ». À ce moment, pour moi, cela voulait dire une chose : l’information qui m’avait été donné par ce service n’était pas la simple lecture de l’acte de décès. C’était autre chose. Un ou des autres documents, qui différaient de l’acte de décès. Il y avait donc deux sources d’informations.

 

Où était la vérité? Pour le savoir, il fallait creuser. Je devais faire fi de toutes les questions qui me venaient à l’esprit et que je me concentre sur une chose : le Michigan.

 

Nous devrons ici faire un petit détour obligé vers l’histoire. Pourquoi? Parce que dans le cas qui nous préoccupe le contexte est important. Je ne vais pas m’y attarder des pages et des pages. Je vais aller à l’essentiel pour vous permettre de comprendre le reste. 

Le Michigan est un état des États-Unis situé au centre-nord. Il est séparé de l’Ontario par le lac Huron, l’un des grands-lacs qui sépare le Canada de l’état américain. Par voie terrestre on y accède facilement en passant par le sud de l’Ontario.

 

Chacun d’entre-nous avons appris dans nos cours d’histoire que plusieurs « Canadiens-Français » ont émigrés aux États-Unis au 18ième et 19ième siècle. Toutefois sans que je ne sache pourquoi ces cours insistaient seulement sur l’axe « Québec-Nouvelle Angleterre », donc vers les États directement au sud du Québec comme le Maine, le New-Hampshire, le Vermont, et New-York. Comme exemple dans ma famille à moi, les Tremblay, si je demandais aux passants quel est la ville en Amérique où il y a le plus de Tremblay en nombre absolu, j’aurais certainement une majorité de « Ville Saguenay » comme réponse. Eh bien non. La ville en Amérique où il y a le plus de Tremblay est la ville de New-York…

 

Peu de gens le savent mais c’est plus d’un million de ces « Canadiens-Français » qui ont quittés, entre 1700 et 1875, vers des cieux qu’ils espéraient meilleures. Si l’on considère le taux de natalité de cette époque il n’est donc pas surprenant de retrouver des traces de ces gens un peu partout en Amérique. La motivation première était évidemment le travail et les terres disponibles dans ces états.

 

Il y avait cependant un second axe de migration qui, sans être aussi imposant en nombre, était très important : l’axe « Québec-Michigan ». Selon le site Internet « lequebechistoiredefamille.com », « parmi les Canadiens-Français qui ont émigré aux États-Unis, près du quart se sont installés dans le mid-ouest. Ils suivaient une route tracée par les premiers trafiquants de fourrures. En 1890, 58 377 citoyens du Michigan sont d’origines canadiennes françaises ». « Plusieurs de ces immigrants Canadiens-Français achètent de bonnes terres ou travaillent dans l’industrie forestière, très florissante au Michigan jusqu’en 1880 ».

 

La grande vague de ces nouveaux arrivants d’origine Canadienne au Michigan se situe entre 1840 et 1873, pour se stabiliser jusqu’en 1880. Si vous portez attention à la carte de l’état, vous serez peut-être amusés de constater que certains comtés ont des noms à consonances francophones. Certains de nos ancêtres ont en effet apportés leur coin de pays avec eux. Pour en nommer quelques-uns : Montcalm, Montmorency, Presque Isle, Saint-Joseph et… Charlevoix.

 

Il en va de même pour les villages de ces comtés. Nous retrouvons, par exemple : Alma, Au train, Bellevue, Blanchard, Durand, Eau Claire et plusieurs autres. Plusieurs autres, oui, dont l’un se nomme… Au Sable…

Michigan, rivière Au Sable

Michigan, région Oscoda, comté Au Sable.

Michigan, région Mio

J’avais enfin un point d’ancrage solide entre l’acte de décès de Jeannette Couchy et un lieu géographique. Il n’était pas idéal pour faire des recherches mais au moins il existait. De plus un autre problème de taille demeurait : si la présence de Jeannette Couchy au Québec donnait de la crédibilité à l’hypothèse d’une origine québécoise de sa famille, n’en demeurait pas moins qu’elle était pour ainsi dire inexistante au Québec. La possibilité que la famille de Jeannette Couchy n’ai rien à voir avec le Québec malgré sa présence à Roberval n’était donc pas encore à écarter.

 

Je repris donc ma petite phrase «Jeannette, 9 ans, issue d’un mariage dans la paroisse Aux Sables au Michigan ».

 

Les deux premières étapes étaient franchis, soit le Michigan, et trouver un endroit se nommant « Au Sable » dans cet état. Ça, c’était le bout facile. Il fallait maintenant que je trouve des traces du couple « George Couchy et Marie-Jeannette Winton » dans cette région vers les années 1880-1890. Ça s’écrit bien sur un ordinateur mais de là à les retrouver…

 

Je ne vais pas décrire ici toutes les heures de recherche que j’ai du faire pour retrouver les parents de Jeannette Couchy. Cela alourdirait inutilement le texte. Toutefois, pendant ces recherches je fis une découverte capitale. Cette découverte allait me détourner pendant plusieurs jours de mon objectif de retrouver des traces de ce mariage. Cette trouvaille allait être déterminante pour la suite. C’est fou comment un si petit détail pouvait faire basculer toute une histoire. Après la surprise du contenu de l’acte de décès de Jeannette, une seconde surprise m’attendait.

 

L’une des façons de retrouver une personne dans un lieu donné est les différents recensements faits au cours du temps. En effet, même au 19ième siècle les États faisaient ce genre d’exercice. Justement, il y en avait eu un aux États-Unis en 1880. Autant le dire tout de suite, dans tous les recensements des États-Unis de cette époque il n’y a aucune trace de la famille Winton de Marie-Jeannette. Encore aujourd’hui je ne m’explique pas pourquoi car ils étaient bien là. On en reparlera plus tard. Par contre la famille Couchy y était en 1880. En fait, elle y était… oui et non… Et la surprise est là.

 

Je parlais plus haut des erreurs qui peuvent se glisser lors de retranscriptions de documents. J’ai alors trouvé pourquoi je ne trouvais pas de famille Couchy au Québec. Dans le recensement de 1880 de la région Au Sable au Michigan il y avait une famille… Cauchy. 

Une lettre, une seule petite lettre de différence et tout changeais. Enfin, j’avais sous les yeux la première preuve de la présence de la famille de Jeannette au Michigan. Dans ce recensement se trouvait le père de George, Peter 48 ans, sa mère Mary 46 ans, son frère Chaley 16 ans, le futur père de Jeannette George 14 ans et une autre sœur Catharine 12 ans.

 

Si je suis si affirmatif tant qu’à la certitude que cette famille était bien la bonne c’est que par la suite j’ai retrouvé d’autres documents qui le confirment. Mais pour le moment je préfère rester concentré sur le contenu de ce recensement. On y apprend quelques détails biographiques sur cette famille. Tout d’abord c’était une famille de fermiers qui, en 1880, demeurait dans le village de Comins, comté d’Alcona. Le village de Comins n’est qu’à une centaine de kilomètres de la région Au sable, lieu où le couple George Cauchy et Marie-Jeannette Winton se connaitront quelques années plus tard. Puis, il y a cette information plus qu’importante : Peter (le père de George) et les trois enfants présents lors du recensement étaient tous originaires du Canada. La mère, Mary, était née en Irlande. Mes recherches montrent que même si Mary était née en Irlande, c’est au Canada qu’elle avait immigré et connu Peter Cauchy, et plus précisément au Québec… Ce couple se maria au Québec puis émigra au Michigan en 1878. Ils avaient déjà six enfants (dont George) lors de ce déménagement.  

 

Je tenais enfin ce fameux lien entre la présence de Jeannette à Roberval et ses parents du Michigan : sa famille paternelle était bel et bien originaire du Québec. Cela n’expliquait encore en rien le fait qu’elle ai été envoyée à Roberval à partir du Michigan, mais au moins il y avait un lien entre le Québec et cet État à 2000 kilomètres de là.

 

Je ne pu alors m’empêcher de penser, sourire en coin, à toutes ces heures et tentatives pour trouver une famille « Couchy » au Québec. Je ne trouvais rien pour une raison simple, elle n’existait pas. Par contre, la famille Cauchy, sans être très nombreuse, est très présente encore aujourd’hui. Si l’on fait un portrait à gros traits, la famille Cauchy est présente en deux endroits au Québec. Premièrement dans la région de Québec et Lévis, puis à Tingwick, petit village dans la région d’Arthabaska.

 

Ainsi, le nom de famille de Jeannette Couchy inscrit sur sa pierre et son acte de décès n’est pas le bon. Elle se nomme en fait Jeannette Cauchy, et non Couchy. Évidemment, comme cette erreur provient sans doute de son acte de naissance ou un autre document, elle a du se faire appeler « Couchy » toute sa vie. Les sœurs Ursulines de Roberval n’avaient aucune raison de douter des informations qu’elles avaient. Tout cela a été fait de bonne foi. Reste que dans les faits, Jeannette n’avait pas le bon nom de famille.

 

Jusqu’à l’apparition de son acte de décès, ce détail en apparence insignifiant m’avait fais errer pendant des années.

 

À ce stade, voici en quelques mots les certitudes que j’avais : Un couple du Québec (Peter et Mary Cauchy) émigre en 1878 au Michigan avec leurs enfants. Sur place ils achètent une terre. Quelques années plus tard, l’un de leurs enfants, George, épouse Marie-Jeannette Winton. Le couple a un enfant, Jeannette, qui a été confié aux sœurs Ursulines de Roberval.

 

Je compris alors qu’avant de m’attarder au destin de Jeannette Cauchy (je vais utiliser son vrai nom de famille à compter de maintenant) et de ses parents, je devais élargir les horizons pour avoir une meilleure vue d’ensemble de cette famille. Cela voulait dire lui construire son arbre généalogique et tenter d’en tirer des renseignements.

 

Je ne pensais pas que cela allait être facile, et j’avais raison. Bien que de nos jours il existe de nombreux outils pour trouver les filiations familiales, les écueils sont nombreux. Premièrement les prénoms et noms. Nous venons de le voir une simple petite substitution de lettre peut faire déraper ou retarder grandement la démarche. Et là, nous ne parlons que des erreurs de transcriptions. Car il y a aussi les différentes appellations qu’une même personne pouvait avoir au cours de sa vie. Le plus facile à visualiser concerne les femmes qui prenaient systématiquement le nom de famille de leur mari. Ainsi, une dame Gagnon dans le recensement de 1880 pouvait devenir une dame Tremblay dans celui de 1890. Il fallait donc à chaque fois analyser le contexte de son entourage, son année de naissance, etc. Parfois ces femmes disparaissaient carrément du radar. En effet, certaines « reniaient » même leur prénom et se faisaient appeler, par exemple, « Madame Joseph Tremblay ». Dans ces circonstances il était impossible de les retracer si nous n’avions pas de preuve d’un mariage avec un « Joseph Tremblay ».

 

Pour les hommes le problème était différent mais tout aussi compliqué. À savoir que dès qu’un couple avait un ou deux enfants masculins, vous pouviez être certain que l’un d’eux prenait le même prénom que son père. Le résultat était que sur une plage de six ou sept générations d’une même famille, il y avait en alternance des « Joseph Tremblay senior » et des « Joseph Tremblay junior » en grande quantité. Considérant le taux de natalité de cette époque, il était facile de retrouver huit ou dix « Joseph Tremblay » qui étaient cousins et étaient nés dans les mêmes années… Je sais bien que de nos jours avec la standardisation des documents officiels être né en 1968, c’est être né en 1968. Cette donnée nous suit jusqu’à notre décès. Mais il y a 150 ans aucune standardisation n’existait et les extraits de naissance disparaissaient souvent dans des incendies ou autre. Le résultat est qu’au décès d’une personne son année de naissance était souvent une approximation à quelques années près. Créant ainsi une plus grande confusion.

 

De plus, pour ajouter à la difficulté, certaines familles, pour se différencier des autres, changeaient simplement de nom de famille. C’est exactement ce qui est arrivé dans la famille du côté paternelle qui nous concerne (Mais heureusement pas dans la branche de Jeannette Cauchy!). Le premier Cauchy est arrivé au Québec en 1755. Son nom était « Albert-Guilain-Aubert de Cauchy dit Lacouture ». Pourquoi le « dit Lacouture »? Parce que son métier était couturier et qu’en France ce petit surnom lui permettait de se différencier du reste de sa famille. Il eut plusieurs enfants au Québec et au fil du temps ce petit sobriquet fût adopté comme nom de famille. C’est ainsi que certaines branches de l’arbre de la famille Cauchy ont été pour ainsi dire élaguées pour devenir des Couture. Heureusement ce ne fut pas le cas de la ligné de Jeannette, sauf que comme on l’a vu, si elle avait eu la chance d’avoir des enfants, c’est bel et bien Couchy qui aurait été sur leurs actes de naissance à cause d’une simple petite erreur, inventant du fait même un nouveau nom de famille.

 

Ce n’est pas tout. Si les noms de familles changeaient, les prénoms subissaient aussi le même sort. Deux exemples qui concernent directement le couple George Cauchy et Marie-Jeannette Winton, parents de Jeannette Cauchy. Vous aurez remarqué que depuis le début je parle du père de George en termes de « Peter » Cauchy. Mais ça, c’est parce que je l’ai retrouvé sur un recensement fait au Michigan en 1880. Mais Peter est né au Québec en 1830. Il a donc été baptisé comme étant « Pierre », et non Peter. Puis, parmi les frères de George il y a un Peter junior. Donc pour différencier l’un de l’autre Peter père a ajouté les lettres « Sr » à la fin, donnant Peter Cauchy Sr.

 

Second exemple encore plus déroutant, Marie-Jeannette Winton, mère de Jeannette. Selon le temps, les circonstances et les différents documents, on la retrouve sous les appellations suivantes : Marie-Jeannette Winton, Jeannette Winton, Janetta A Winton, Janette A Cauchy, Jeannette Canchy, Nettie Winton et Nettie Cauchy. 

 

Vous comprendrez facilement que quand vint le temps de créer l’arbre généalogique de Jeannette Cauchy à l’aide des différents sites Internet et documents originaux ayant survécu au temps, il fallait à chaque fois une série de validations de toutes les appellations possibles avec les dates de naissance et de décès, le nom du conjoint, des enfants, des lieux, etc. Travail de moine s’il en est un. Surtout dans une famille qui n’était pas la mienne et un arbre qui débutait en 1900 dans un État à des milliers de kilomètres sans connaissance réelle des différentes villes, comtés, et paroisses.

 

Avec de la patience, du temps et de la détermination, on arrive à tout. J’avoue que même s’il y a encore de grands vides, je suis content du résultat vu les circonstances. J’ai en effet réussi à retracer plus de 60 personnes dans les familles Cauchy et Winton. Plusieurs branches trouvent leur source au début de la colonisation des Amériques. La plus vieille date de naissance étant 1606.

 

Le premier but de cette démarche était atteint : donner une famille biologique à la petite Jeannette Cauchy…

 

Je pu enfin me débarrasser de cette image de la petite orpheline sans famille, isolée dans un cimetière de Roberval et ignorée de tous. Je sais, ceci est une vision très romantique des choses. J’en suis conscient. Sauf que symboliquement, c’était important pour moi. Cela faisait plus de 13 ans que je l’avais rencontré pour la première fois. Cette rencontre avait inspiré un roman. Jeannette avait maintenant une vraie famille.

 

Restait maintenant à découvrir les circonstances de sa présence dans ce cimetière. Je n’étais pas au bout de mes surprises.

 

Je le disais un peu plus haut, cette démarche généalogique avait aussi pour objectif de me donner le recul nécessaire afin de mieux comprendre l’ensemble de la situation et peut-être trouver certaines réponses concernant le couple George Cauchy et Marie-Jeannette Winton.

 

Nous allons prendre quelques minutes pour nous élever assez haut au-dessus de cet arbre généalogique afin d’analyser les différents mouvements des deux familles.

 

En débutant, il faut raconter leur migration. Cette migration des familles Winton et Cauchy n’a rien de bien particulier par rapport à toutes les autres familles ayant élus domiciles aux États-Unis. Toutefois il y a une différence fondamentale qui pourrait nous être utile afin de contribuer à expliquer pourquoi Jeannette Cauchy s’est retrouvée au Québec.

 

Débutons par la famille Winton. La branche de la famille Winton qui fait l’objet de cette enquête tire ses racines de l’Irlande. Jeannette avait donc une ascendance irlandaise du côté maternelle. L’axe de migration de cette famille a été le suivant : Irlande vers les maritimes (Canada), surtout en Nouvelle-Écosse (Ce qui n’est pas pour nous surprendre), puis Nouvelle-Écosse vers la région de New-York (l’arrière-arrière-grand-père de Jeannette a rencontré et marié une femme de cette région), et finalement région de New-York vers le Michigan dans la seconde moitié du 19ième siècle.

 

La famille Cauchy Maintenant. Personne ne sera surpris de lire que cette famille est d’origine française (surtout de la Normandie). L’axe de migration a été le suivant : France vers l’Ile d’Orléans au Québec, puis la ville de Québec même, et finalement la ville de Québec vers le Michigan. Il est à noter ici que concernant la Famille Cauchy, le côté maternelle avait également des racines Irlandaises puisque la grand-mère de Jeannette a déclaré être née en Irlande dans le recensement de 1880. Également, Outre le fait que la branche Cauchy provenait de la France (Albert-Guilain-Aubert de Cauchy dit Lacouture s’est greffé « sur le tard » à l’arbre, soit en 1755 seulement), l’immense majorité de l’arbre généalogique de cette branche tire ses racines sur l’Ile d’Orléans.

 

Si je n’avais que deux mots pour décrire la « composition sanguine » de Jeannette Cauchy, je ne pourrais que dire « Irlandaise et Ile d’Orléans ».

 

Revenons maintenant à la différence fondamentale entre les migrations de ces deux familles vers le Michigan. En 1880, il y avait environ 1200 familles Winton dans tous les États-Unis. On pourrait dire ici que ce nombre est assez élevé. C’est effectivement le cas. Sauf que… ces 1200 familles étaient, pour ainsi dire, complètement dispersées dans tous les états. Il n’y avait aucune concentration familiale. Aucune communauté de famille Winton. Je n’ai pas relevé les lieux de résidences des 1200 familles, mais j’en ai tout de même regardé plus de 600. Il n’y a absolument aucune constante dans les lieux de résidences. La famille Winton du Michigan était donc isolée de toutes les autres sans lien familiale particulier avec les autres familles du même nom.

 

Il en va tout autrement de la famille Cauchy. Évidemment eux aussi étaient seuls dans leur petit village du Michigan, sauf qu’ils pouvaient compter sur une grande quantité de familles Cauchy dans leur coin d’origine. Certes ils étaient moins nombreux, soit seulement quelques familles. Sauf que cette concentration géographique ne pouvait que faciliter les choses en cas de besoin.

 

Cette différence fondamentale allait peut-être jouer plus tard concernant le destin de Jeannette Cauchy. Car contrairement à la famille Winton, la famille Cauchy avait un ancrage fort au Québec. Des frères, des sœurs, des oncles et tantes, des cousins, tous identifiables et facilement retrouvables à cette époque.

 

C’est avec cette conclusion concernant l’analyse de l’arbre généalogique de Jeannette Cauchy que je me tournais de nouveau vers ses parents. Il était temps de trouver des réponses pour avancer.

 

Après la surprise du contenu de l’acte de décès de Jeannette, puis celle de son nom de famille qui n’était pas le bon, une troisième surprise m’attendait. 

 

Vu l’époque où les acteurs de cette enquête ont évolués, je savais d’avance que pour plusieurs d’entre eux j’allais découvrir l’année de leurs décès. Sauf que pour certains, je m’étais déjà, pour ainsi dire, attaché. Question de vous faire vous aussi faire faire cette découverte, je vous présente ici ce document officiel de l’État du Michigan. Voir ligne 114.

Que Marie-Jeannette Winton, femme de George Cauchy et mère de Jeannette soit aujourd’hui décédée n’était évidemment pas surprenant. Toutefois je ne m’attendais pas à ce qu’elle ait seulement 17 ans. Je suis conscient qu’à cette époque la vie était souvent fragile mais reste qu’un étrange sentiment d’injustice m’envahis. Encore une fois, je devais arrêter de lire cette ligne avec mes yeux de 2015.

 

Marie-Jeannette Cauchy donc, née en 1875 et décédée en 1892. Elle portait le nom de famille de son mari et la mention « married » du document attestait le tout, ce qui mettait une autre couche de mystère autour de la fameuse « fille mère » du service des archives des Ursuline et accréditait l’information sur l’acte de décès de Jeannette.

 

Puis, soudain, mon cerveau prit l’initiative d’un petit calcul mathématique. Vous l’avez peut-être déjà fait au moment où vous lisez cette ligne : l’année de décès de Jeannette, 1901, moins l’âge de son acte de décès, 9 ans… 1892… année de décès de sa mère.

 

Malheureusement ce document historique ne faisait aucune mention de la cause des décès qui y étaient inscrits. De plus, il restait encore un flou sur l’âge réel de Jeannette.

 

La preuve définitive de l’âge réel de Jeannette se fit attendre jusqu’à la fin mai 2015, mais elle finit par arriver. Je trouvais enfin un document officiel (le premier et le seul) qui prouvait sa date et son année de naissance. Officiellement donc, la date de naissance de jeannette Cauchy est le 13 mars 1892, soit sept mois avant le décès de sa mère. 

Pourquoi inscrire 10 ans sur la Pierre alors qu’elle avait en fait 9 ans? C’était un autre mystère pour plus tard mais ce fait qui était pour le moment anecdotique ne devait pas me ralentir. J’avais encore besoin de beaucoup d’informations solides avant de poser cette question.

 

Revenons quelques instants sur le décès de Marie-Jeannette Cauchy. Décéder à 17 ans en 1892 la même année que la naissance d’un enfant, cela créait une possibilité non négligeable de complications lors de l’accouchement qui auraient fini par l’emporter. Et mourir peu de temps après un accouchement, cela voulait aussi dire qu’il y avait peut-être un petit bébé « de trop » dans l’entourage…

 

Toutefois, le document contenant la liste des décès recelait aussi une information importante, Marie-Jeannette Cauchy était encore mariée au moment de son décès. George Cauchy devait donc être quelque part…

 

Après des heures à éplucher des documents légaux dans les archives du Michigan, je trouvais enfin la preuve de ce mariage. Au début je fus aidé bien malgré elle par une dame de 70 ans qui, le 27 juillet 2001, cherchait des informations sur sa famille. Elle mentionnait ceci :  

 

« … the George Cauchy you mention is the son of of Peter Cauchy and his wife Mary Bernard. George Cauchy was born in Canada, probably Quebec, in 1866. He married Mary-Jeannette Winton 15 Aug 1889 in Oscoda Co. Mi. … »

 

Ce texte qui était une preuve indirecte m’aida à orienter mes recherches pour trouver un document officiel, que je vous présente ici. 

Retrouver ce document était très important pour l’enquête. En plus de confirmer le mariage entre les parents de Jeannette Cauchy, il confirmait également le lieu, les noms et prénoms des parents des mariés et ancrait définitivement le point de départ pour retourner à Roberval. Petite particularité, Marie-Jeannette Cauchy apparaît sous le nom « Nettie Winton » dans ce document.    

 

Voilà, je pouvais reprendre ma petite phrase du début de l’enquête. Pour remonter à Jeannette je devais débuter par « Michigan », puis la « paroisse », puis le « mariage » ensuite son « 9 ans ». 

 

J’étais remonté aux origines de la petite fille seule dans ce cimetière de Roberval. Pour y arriver j’avais du laisser plusieurs questions sans réponses en chemin. La prochaine étape? Tenter de trouver le chemin du destin de cette petite qui la mènerait au Lac S-Jean pour y décéder beaucoup trop jeune. En route, j’allais tenter de répondre à toutes ces questions laissées en plan. Il le fallait, pour comprendre…

 

Je repris mon paragraphe des certitudes que j’avais et le modifiai en incluant mes nouvelles informations :

 

Un couple du Québec, Peter Cauchy et Mary Bernard, émigre en 1878  au Michigan avec leurs enfants. Sur place ils achètent une terre. En 1889, George 23 ans, l’un de leurs enfants, épouse dans le comté d’Oscoda Marie-Jeannette Winton 14 ans.  Le couple a une enfant, Jeannette Cauchy. Malheureusement Marie-Jeannette décède le 27 octobre 1892 à l’âge de 17 ans. Leur enfant, Jeannette, est confiée aux sœurs Ursulines de Roberval.

 

Mon nouveau point de départ était donc le comté d’Oscoda au Michigan en 1889, lieu du mariage du couple Cauchy-Winton.

 

Toutefois avant de « repartir vers Roberval à partir de ce point », il était essentiel de comprendre le contexte global de ces deux familles à cette époque. Pourquoi? Parce que vous et moi on va s’entendre sur une chose : autant la phrase de mon paragraphe des certitudes « Leur enfant, Jeannette, est confiée aux sœurs Ursulines de Roberval. » est insatisfaisante avec toutes les questions en suspends, autant elle ne pourrait être remplacée par « La petite Jeannette, constatant le décès de sa mère, prit son baluchon, s’acheta un billet de train et se rendit à Roberval cogner à la porte des Ursulines ».

 

Nous accompagnerons ici un poupon âgé de quelques mois. Ce bébé n’a prit aucune décision par lui-même. Les acteurs du destin de Jeannette sont des adultes qui prendront les décisions à sa place. Ce sont donc ces adultes qu’il faudra analyser et comprendre dans la plus grande mesure possible considérant l’époque, la distance et les documents restants. En cours de route nous n’aurons pas le choix de faire des suppositions et émettre, avec prudence, des hypothèses qui seront difficiles à prouver, tout en se disant que ces hypothèses sont probables.

 

Mon choix de prendre la date de mariage du couple Cauchy-Winton en 1889 comme point de départ vers Roberval n’est pas un hasard. Symboliquement, cette date est le point de rencontre de deux branches de l’arbre généalogique de Jeannette Cauchy, soit la famille Cauchy et la famille Winton. Nous allons regarder plus attentivement chacune de ces familles à tour de rôle. Pas d’inquiétudes, je ne vais pas vous assommer en remontant à l’Irlande et à la France du 17ième siècle mais me concentrer sur les familles immédiates de George et Marie-Jeannette, puisque se sont les membres de ces familles qui ont influés sur le destin de Jeannette. Ou plus simplement, tenter de répondre à la question suivante :

 

Mais pourquoi donc la petite Jeannette Cauchy n’a pas été prise en charge par l’une des deux familles?

 

D’une manière générale regardons la situation démographique de cette région du Michigan. Disons en partant que sa situation n’est pas très différente des autres régions du Michigan de cette époque, c’est-à-dire un lieu de colonisation. Nous allons prendre comme exemple le comté d’Oscoda, lieu d’arrivée de la famille Cauchy en 1878. On y dénombrait 11 villages. En 1880, juste après la fin de la grande période d’immigration dont nous avons parlé un peu plus tôt, ce comté totalisait 467 personnes. Il s’agissait donc essentiellement de petits hameaux et de fermes isolées les unes des autres. Seulement une décennie plus tard, juste un peu avant le décès de Marie-Jeannette Cauchy, la population avait quadruplé, soit 1904 âmes. D’où venait tout ce monde s’il n’y avait plus d’immigration? Du taux de natalité évidemment. Reprenons du début. Émettons l’hypothèse que sur les 467 personnes de 1880, il y avait 300 adultes, donc 150 couples. Ces 150 couples ont amenés la population à 2000 personnes en 10 ans. Si nous retirons ces 300 adultes du départ de ce 2000 personnes, nous arrivons à 1700 enfants qui, divisés sur les 150 couples, donne une moyenne de 11 enfants par couple. En retirant les décès pendant cette période et autres facteurs, on peut facilement évaluer la moyenne d’enfants par couple à 9. Ce chiffre correspond effectivement à l’image que nous nous faisons des familles de cette époque. Donc, pour résumer, au moment de la naissance de la petite Jeannette Cauchy en 1892, toutes les maisons de la région étaient déjà pleines à craquer d’enfants en bas de 10 ans. Ce qui explique entre autre les mariages très jeunes pour « faire de la place ». Ce climat de « peu de maisons/fermes » pour une population faite en majorité d’enfants n’était pas propice à de nouvelles bouches à nourrir si ce n’était pas nécessaire.      

   

Tout ça, c’est une vue d’ensemble et des moyennes. Ca explique certaines choses mais pas tout. Pour le savoir il fallait descendre au niveau des familles qui nous concernaient et essayer de comprendre pourquoi la petite Jeannette, elle, avait été confiée aux Ursulines de Roberval.

 

La famille Winton

Les détails biographiques de cette famille qui ont survécus au temps sont surprenants et… perturbants. Vous comprendrez, à la lecture de ce que j’ai trouvé, que la prise en charge de Jeannette Cauchy par cette famille était, sans être impossible, improbable.

 

Les parents de Marie-Jeannette Cauchy (Winton) se nommaient Robert H Winton et Mary M Benjamin. Ils se marièrent en octobre 1859 au Michigan. On sait que ce couple avait un total de neuf enfants, dont évidemment Marie-Jeannette, née en 1875.

 

Robert H Winton était un vétéran de la guerre de sécession de 1860-1865. Il faisait partie de la Cavalerie du Michigan, 10ième régiment, compagnie F. Il participa à de nombreux combats durant cette période en se déplaçant dans tout le nord des États fidèles à Abraham Lincoln. Il termina sa carrière en tant que caporal de sa compagnie.

 

Nous savons aujourd’hui que cette famille a dû vivre un drame épouvantable avec le décès de Marie-Jeannette en 1892 à l’âge de seulement 17 ans. Malheureusement, et vous allez maintenant le découvrir, ce drame était le dernier en lice d’une série de trois en peu de temps.

 

Nous devons ici reculer de quelques années seulement, soit en 1885. Marie-Jeannette a alors 10 ans et la famille Winton assiste à la naissance de la dernière de la famille, Jessie E Winton. Sans le savoir la petite Jessie allait participer à cette série de drames qui expliqua peut-être le reste de l’histoire.

 

En Août 1889, Marie-Jeannette Winton prend le nom de Cauchy et quitte la maison familiale à l’âge de 14 ans. Était-ce pour « faire de la place » pour une maison devenue trop petite? Nous ne le saurons jamais.

 

Le 31 mai 1890, un premier drame frappe. Mary M Benjamin se retrouve soudainement veuve avec le décès de son mari à l’âge de 54 ans. Nous ne connaissons pas les circonstances de son décès mais il est à noter qu’il survient seulement neuf mois après le mariage de Marie-Jeannette Winton et George Cauchy. Le monument funéraire de Robert H Winton, père de Marie-Jeannette et grand-père de Jeannette existe encore aujourd’hui. Voici le monument de cet homme qui malheureusement est décédé deux ans avant la naissance de Jeannette. 

Début août 1892, seulement deux mois avant le décès de Marie-Jeannette, la mort frappe encore dans la famille. La petite Jessie Winton, qui a maintenant sept ans, s’amuse avec une amie sur un pont qui enjambe la rivière Au Sable. L’amie en question se nomme Cora Moe. Malheureusement, Jessie tombe dans la rivière et se noie. On peut facilement imaginer les ravages de ce drame sur toute la famille et sur Mary M Benjamin au premier titre.

 

Je disais dans le paragraphe ci-haut que Jessie Winton et Cora Moe étaient des amies. En fait, cela est plus compliqué que ça et le fait que ces deux petites se retrouvent à jouer ensemble cache une histoire à la fois étrange et tragique que je vais vous raconter. Les dates sont ici importantes. Le décès de Jessie Winton survient dans les tous premiers jours du mois d’août 1892. À ce moment, il y a déjà quelques mois que Mary M Benjamin fréquente un certain Joshua Moe. Joshua Moe est le père de Cora. Nous pouvons donc convenir que Jessie et Cora se voyaient très souvent puisque leurs deux parents respectifs se fréquentaient. Considérant les us et coutumes de l’époque, nous pouvons assumer que la mise en terre de Jessie Winton a dû se faire autour du 6 ou 7 août. Pourtant, et c’est ici que l’étrangeté de la situation prend son sens, cela n’empêchera pas Mary M Benjamin et Joshua Moe de se marier le… 11 août, seulement une semaine après ce terrible décès. Ce comportement particulier ne trouve pas d’explication aujourd’hui. Chose certaine, l’ambiance lors de ce mariage devait être très triste, et c’est peu dire.

 

Finalement, le 27 octobre 1892, soit deux mois plus tard, Marie-Jeannette Winton décède dans des circonstances que nous ignorons mais qui sont peut-être liées à la naissance de Jeannette.

 

J’aimerais ici prendre le temps de revenir sur ce personnage qu’était Joshua Moe, de son vrai nom Joshua Roswell Moe. Je m’y attarde pour deux raisons. Premièrement parce qu’il a été le beau-père de Marie-Jeannette Winton le temps de quelques mois, et aussi parce que sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille, loin de là. Tout comme Robert H Winton, Joshua Roswell Moe fit partie de la cavalerie du Michigan lors de la guerre de sécession de 1860-1865. Les deux hommes ne faisaient toutefois pas partie de la même division. Le plus grand fait d’arme de Moe lors de cette guerre est très important et intéressant d’un point de vue historique.

 

Photos Joshua Moe et sa pierre tombale

Le 6 février 1864, Joshua Roswell Moe est transféré à l’unité 4 de la cavalerie du Michigan. Les circonstances de l’histoire feront que l’unité 4 assistera et participera à la capture de Jefferson Davis, qui à ce moment était Président des États du Sud des États-Unis. Jefferson Davis était le vis-à-vis d’Abraham Lincoln en personne. Juste ça aurait été extraordinaire comme « expérience », mais ce n’est pas tout. Joshua Roswell Moe fût sélectionné pour faire partie des quelques hommes qui allaient escorter le président déchu jusqu’à Washington pour y être jugé et condamné. Je ne sais pas pour vous, mais assister à la chute des États du sud et avoir la chance d’être parmi ceux qui ont livrés Davis à Abraham Lincoln, c’est un truc que n’importe qui voudrait avoir dans son curriculum vitae! Jamais, au début de cette enquête, je me serais douté que j’allais inclure les mots « Jeannette Cauchy » et « Abraham Lincoln » dans la même phrase. Force est de constater que grâce à Joshua Roswell Moe, cela devient possible.

 

Plusieurs années plus tard, en 1891, Joshua Roswell Moe est marié depuis longtemps avec une femme du nom de Hannah Joséphine Church. Ils ont eu sept enfants ensemble dont la petite Cora. Le 9 novembre 1891, Hannah Joséphine Church se suicide avec du poison à rat, à l’âge de 41 ans. Mort cruelle s’il en est une…

 

Autre fait particulier, même si Mary M Benjamin épousera Joshua Moe neuf mois plus tard, elle refusera toujours de s’occuper de la fille de son nouveau mari, la petite Cora Moe. Ceci donne peut-être un indice tant qu’à son état d’esprit pour s’occuper d’une autre enfant.

 

Malheureusement le destin de Cora Moe ne sera pas plus heureux. Elle se suicidera, comme sa mère, en se lançant dans la rivière Saginaw suite à une période de prostitution, en 1906.

 

MISE À JOUR NOVEMBRE 2015

 

Ce n’est qu’à la fin octobre 2015 que je découvris enfin une preuve légale du suicide de Cora Moe. Voici le certificat de décès avec un agrandissement de la cause de sa mort.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FIN MISE À JOUR NOVEMBRE 2015

 

Difficile, plus de cent ans plus tard, d’expliquer ce suicide alors que la petite avait à peine 17 ans. Nous pouvons simplement nous appuyer sur les faits suivants : sa mère s’était également suicidée, elle était seule avec Jessie Winton lors de la noyade de celle-ci (culpabilité?), sa nouvelle belle-mère Mary M Benjamin refusait de s’occuper d’elle (Mary M Benjamin lui en voulait inconsciemment ou consciemment?), et finalement, on peut supposer que la vie de prostituée à 17 ans en 1906 n’était rien pour arranger les choses et était peut-être la conséquence de tout ce qui précède.

 

Voici une photographie de Cora Moe, à l’adolescence.

Mary M Benjamin décèdera par noyade accidentelle en 1914, toujours au Michigan, à l’âge de 66 ans. Elle était encore seule à ce moment, Joshua Moe l’ayant quitté pour une femme plus jeune plusieurs années auparavant.

 

Le destin de cette famille n’est donc pas simple. Je ne vais pas juger ici de chacun de ces comportements. Premièrement parce que je n’ai pas de formation de psychologue et aussi je vous laisse juge de « l’ambiance du temps » qui régnait dans cette famille au moment de l’arrivée de Jeannette Cauchy. Toutefois, à travers le veuvage, le décès par noyade de sa fille de sept ans, le décès de Marie-Jeannette, le suicide de la femme de son futur mari, et son refus de s’occuper de la fille de celui-ci, je crois que le fait que Jeannette ne se soit pas retrouvée dans cette famille n’est pas une surprise…

 

La Famille Cauchy

Je croyais, à tord, que rassembler des détails biographiques de cette famille allait être plus facile que pour la famille Winton car après tout, elle était originaire du Québec. Je me trompais sérieusement. Comme l’adage le dit, « les gens heureux n’ont pas d’histoire », dans le sens où outre le décès de la femme de George Cauchy, il n’y avait pas dans cette famille d’événements marquants comme des noyades, suicides, prostitution ou autres.

 

Curieusement, je pu retrouver la première trace de la famille Cauchy via un chemin très étrange, soit lors de recherches à propos d’un mariage subséquent de George Cauchy (ce mariage vous sera raconté à la fin de cette enquête afin de ne pas tout mélanger).

 

Voici le document légal attestant de la présence de la famille Cauchy au Québec quelques années avant son départ pour le Michigan. Il s’agit du recensement du Canada effectué en 1871. George Cauchy a, à ce moment, cinq ans. J’avoue que je fus heureux d’enfin découvrir le nom du village où résidait cette famille. Cette information confirma des doutes que j’avais déjà, soit le village de Tingwick, tout près de Sherbrooke. J’aimerais vous ramener ici au livre de Rossel Vien qui mentionnait que quatre élèves résidentes du couvent de Roberval avaient été retournées dans leurs familles quelques semaines après le malheureux incendie de 1897. Cela ne prouvait rien mais… 

Comme déjà mentionné, les parents de George Cauchy se nommaient Peter Cauchy sr et Marie Bernard. Peter (Pierre au Québec) est né en 1830 et Marie Bernard a déclaré dans le recensement de 1880 est native de l’Irlande. J’aimerais ici m’attarder quelques instants sur les origines de Marie Bernard. Le fait qu’elle soit originaire de l’Irlande peut paraître anodin mais en fait il n’en est rien. Il en est tellement rien qu’en réalité il explique en grande partie la décision de la famille de quitter en 1878 vers le Michigan. Quelle est le lien me direz-vous? Et bien voici.

 

Historiquement, ce lieu, Tingwick, et ce pays, l’Irlande, sont intimement liés. Pour faire très court, entre 1847 et 1849 l’Irlande est au prise avec une famine épouvantable qui fit plus d’un million de morts. Fuyant leur pays, un déferlement d’immigrants irlandais arrivent dans la région de Tingwick et les environs suite à des promesses d’Eldorado dans cette région faites par un riche homme d’affaire qui avait acheté des milliers kilomètres carrés de terre pour les revendre. Malheureusement la promesse n’était qu’illusion et très vite la seconde génération de ces immigrants irlandais décida de quitter en masse la région pour des terres plus faciles à cultiver et surtout beaucoup plus abordables à acheter. Les deux régions privilégiées par ces fils d’immigrants? Vous l’aurez deviné, les plaines canadiennes et l’état du Michigan où l’on pouvait s’acheter un lopin de terre facile à cultiver pour à peine 10$ de l’époque. 

 

C’est donc cette vague de départs qui emporta la famille Cauchy au Michigan. Selon le recensement de 1871 ci-haut ils étaient déjà fermiers, ce qui facilitait grandement les choses. La femme de Peter Cauchy, Marie Bernard, a donc certainement joué un rôle dans cette grande décision.

 

La famille a immigré au Michigan en 1878 avec quatre de ses six enfants.  

 

Comme vous le constatez, l’âge leurs enfants indiquent que lors de leur migration au Michigan le couple avait déjà un certain âge (48 pour Peter et 43 pour Marie) et leurs enfants également.

 

Autre observation, quitter ainsi avec plusieurs enfants à cet âge veut aussi dire avoir les moyens financiers de le faire et une organisation qui ne laisse pas de place à l’improvisation. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a une grande différence entre quitter son pays à 17 ans seul et sans attache avec son sac à dos en se cachant dans un train et faire la même chose à 48 ans avec sa femme et plusieurs adolescents. Dans le second cas il faut prévoir les choses pour s’assurer de ne pas descendre du train au Michigan avec sa famille et se dire « Bon! On va où maintenant? ». Dans ces circonstances, vu l’âge du couple et la logistique nécessaire, même si je mentionnais qu’ils se sont achetés une terre, il ne faut peut-être pas exclure la possibilité qu’ils ont achetés une ferme déjà existante, ce qui aurait facilité toute l’opération.

 

Je parlais plus haut de moyens financiers. On peut soupçonner que la famille, sans être riche, n’était pas dans la misère. Ceci s’explique encore par le fait qu’il y avait déjà longtemps que le couple accumulait des biens (vente de leur ferme au Québec) et qu’ils n’avaient certainement pas envie de dégrader leur qualité de vie une fois au Michigan. Bien que la relative aisance financière du couple était à ce stade seulement une hypothèse, il existe trois preuves indirectes de ce fait que je vais vous présenter ici.      

 

Première preuve indirecte :

La famille demeurait dans le village de Mio, comté d’Oscoda. En 1880 il s’agit du plus gros village de ce comté et il en est le siège administratif. En tant que fermiers, la famille Cauchy ne demeure pas directement dans le village mais en périphérie. C’est en observant le document original du recensement de 1880 que je constatai que déjà, Thérésa, qui avait 18 ans à ce moment, avait quitté la maison familiale. Là n’était pas la surprise. La surprise était que deux lignes plus bas dans ce recensement on retrouve effectivement une Thérésa MacDonald. Comme il n’y a pas de hasard dans la vie, je consultai d’autres sources d’informations pour me rendre compte qu’effectivement il s’agissait de Thérésa Cauchy. La ferme du couple MacDonald était donc voisine de celle de la famille Cauchy. Il y avait deux possibilités ici. Soit Allan MacDonald était déjà voisin de la famille Cauchy à l’arrivée de celle-ci en 1878 et lui et Thérésa tombèrent amoureux (gros hasard). Soit Peter Cauchy, père de Thérésa, finança en tout ou en partie l’installation de sa fille sur une parcelle de sa propre terre ou la terre voisine. 

Seconde preuve indirecte :

Il est difficile, dans un petit village du Michigan en 1880, de juger de la notoriété d’une famille. Cela passe parfois par la reconnaissance de sa présence après le décès de ceux-ci. C’est exactement ce qui est arrivé avec la famille Cauchy. Je ne veux pas dire que cette famille faisait partie des notables, mais qu’au minimum elle était respectée. Et le respect, dans ces années, passait souvent par un certain succès financier. Encore une fois je ne parle pas de richesse, mais de moyens suffisants pour mériter ce respect. Cette reconnaissance passe ici par la toponymie. Si je vous disais, qu’encore aujourd’hui, vous pourriez vous promener sur la route Cauchy? Ou aller à la pêche sur la rivière Cauchy? 

Ces deux endroits, très près l’un de l’autre, sont situés dans la périphérie proche du village de Mio, indiquant qu’il s’agit sans doute de la route sur laquelle la ferme Cauchy était située. Autre anecdote, remarquez que même le service de l’environnement du Michigan a fait une erreur entre « Cauchy et Couchy ». Preuve indirecte supplémentaire que cette confusion était facile à faire selon les documents d’époque.

 

Troisième preuve indirecte :

J’avoue que, outre le fait que cette preuve indirecte est présentée ici pour démontrer les moyens financiers de la famille Cauchy, elle suscite en moi une certaine émotion. J’étais loin de me douter, au début de cette enquête, que j’allais avoir la chance de vous présenter ce qui suit. Je parle de chance et ce n’est pas un mot gratuit. Vraiment pas. Depuis le début de l’humanité, chaque communauté, aussi petite puisse-t-elle être, a un cimetière. Il était donc normal que je regarde de ce côté pour voir si par hasard il y avait des registres de noms qui auraient pu m’aider pour l’enquête. Malheureusement le cimetière de Mio a été déménagé il y a bien longtemps. Cette parcelle de terre qu’était le cimetière est aujourd’hui en friche et la nature a repris ses droits depuis belle lurette. Ainsi donc, tous les corps et toutes les pierres ont été déménagés. Toutes? Eh bien non… Ne me demandez pas pourquoi mais quelques sépultures ont été laissées sur place au milieu de la forêt. Parmi ces sépultures, croyez-le ou non, celle d’une partie de la famille de Peter Cauchy.

 

Voici donc, chères lecteurs, la sépulture du grand-père et de la grand-mère coté paternelle de Jeannette Cauchy, pour qui tout ceci est rédigé.

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Mais il y a encore mieux, comme si cela pouvait être possible. En 2014, des touristes ont faits un petit film de moins de deux minutes qui propose une visite guidée de ce qui reste de ce cimetière. Pour voir cette vidéo, cliquez ici ou directement sur l'image de la stèle. Cette visite vous fera faire le tour de la stèle de la famille. Outre Peter et Mary, vous y verrez, sur le même monument, les noms de Charles, fils de Peter et Mary décédé en 1884, et celui de Mary H.S. Cauchy, femme de Peter Li Cauchy fils de Peter et Mary.

 

 

MISE À JOUR NOVEMBRE 2015

 

La dernière semaine d’octobre 2015 a été un mélange d’excitation et de joie. Je pu enfin contacter directement un descendant de la famille de Pierre Cauchy et Mary Bernard. Il se nomme Lucas Nye et vit dans l’état de l’Ohio. Lucas est de la lignée de l’une des sœurs de George Cauchy, le père de Jeannette. Après quelques échanges j’appris avec bonheur qu’il possédait un document très précieux, soit une photographie de Mary Bernard, prise dans les années 1880. Je réussis à le convaincre de m’envoyer une copie fichier de cette photographie. Il accepta. Cette image n’est pas d’une excellente qualité à cause de son âge mais surtout à cause de son support. Elle a été prise sur une plaque de métal (Ce qui était courant à cette époque). Voici Mary Bernard Cauchy, grand-mère de Jeannette et la première image d’un membre direct de sa famille. Cette dame a sans doute prit soins de Jeannette pendant le temps où elle a été présente dans sa famille. Elle a peut-être aussi participé à la décision de confier Jeannette. Merci à monsieur Lucas Nye pour ce cadeau, sincèrement. Je compte rester en contact avec lui et qui sait? Se cache peut-être encore des trésors chez d’autres membres de cette famille.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FIN MISE À JOUR NOVEMBRE 2015

 

 

Petite parenthèse concernant la vidéo de ce cimetière. Nous y voyons clairement quelques pierres tombales d’une famille « Davis ». Ceci n’a rien à voir avec l’enquête présente mais cette famille a une histoire particulière qui explique sans doute le fait qu’elle n’a pas été transférée avec toutes les autres. La famille Davis était la seule famille de race noire dans ce comté à une époque où cette race était encore très mal considérée par la majorité. Je rappelle qu’en 1900 il n’y a que 35 ans qu’Abraham Lincoln a été assassiné et que le fameux discours de Martin Luther King débutant par « I have a dream » ne se fera que plus de 60 années après. Après avoir découvert que cette famille était de race noire je me disais simplement qu’ils n’avaient pas été transférés par simple racisme, les responsables du nouveau cimetière ne voulant pas d’eux. La suite démontre que les faits sont beaucoup plus compliqués que cela. Le racisme n’y est certainement pas étranger, mais il prend un chemin tout à fait… insolite. L’un des enfants de cette famille se nommait Jimmy Davis. Il travaillait comme aide-cuisinier dans un chantier de coupe de bois. Un jour, pour distraire les autres employés, il se mit à faire une danse tout en chantant la chanson « Swing Low Sweet Chariot ». (Cliquer sur le titre de la chanson pour en écouter une version de Louis Armstrong). Malheureusement pendant ce « spectacle » improvisé il tomba dans la rivière proche. Selon la légende son corps ne fut jamais retrouvé. Son père, anéantis par ce décès, acheta un terrain juste à côté du cimetière dont il est question dans cette enquête. Les fondations de cette maison sont encore visibles aujourd’hui. Le but avoué par le père pour l’achat de ce terrain était qu’il espérait qu’un jour, la rivière allait lui redonner le corps de Jimmy et qu’à ce moment il voulait être là. Mystérieusement, c’est peu après le décès de Jimmy Davis et l’installation de la famille près du cimetière que des voix mystérieuses commencèrent à se faire entendre dans les environs. Il n’en fallut pas plus pour que la population suppose que c’était l’esprit de Jimmy Davis qui venait hanter ce cimetière. Depuis ce temps ce cimetière a la réputation d’être hanté par le fantôme du fils Davis qui, si l’on écoute bien, serait encore en train de chanter sa fameuse chanson.

 

Voici une photo de famille des Davis. Jimmy Davis, debout deuxième à partir de la gauche :

Certains chasseurs de fantômes de la région ont faits enquête depuis et ils ont constatés le fait, tout en affirmant que ce cimetière était effectivement hanté et en conseillant fortement à quiconque de ne pas se pointer là la nuit.

 

Partie du texte du chasseur de fantômes :

Aujourd’hui nous lisons cette histoire avec un petit sourire en coin. Évidemment le décès du jeune Davis et la réaction de son père sont des événements tristes. Mais outre cela, lorsqu’est venu le temps de déménager tous les corps et toutes les tombes quelques années plus tard, si l’on considère l’époque et que mon patron m’avait demandé de creuser pour déménager cette famille, moi, j’aurais répondus « Over my dead body! Je ne vais pas me mettre les esprits de cette famille à dos! Fais-le-toi!! ».

 

Je crois que cette famille, à cause de sa couleur, a été démonisée par la population suite au décès de Jimmy Davis. Il était trop facile de mettre les « voix » entendues sur le dos de cette famille noire… Ceci dit, d’autres sources mentionnent qu’en fait cette histoire a été inventée pour cacher l’assassinat du jeune Davis par le Klu Klux Klan. Voilà, fin de la parenthèse.

 

Plan du cimetière actuellement :

Pierres tombales de la famille Davis:

Pour la famille Cauchy, j’ai deux petites idées : et si c’était à cause de la grosseur de la stèle qui n’aurait pas pu être déménagée sans l’endommager? Et si, c’était à cause de la valeur de cette stèle qui était sans doute l’une des plus belles de ce cimetière de village? Il suffit de bien l’observer dans la vidéo pour constater la magnifique finition de cette stèle, avec les rosettes et la qualité de l’ensemble. Il fallait bien avoir les moyens de se payer un tel luxe à la fin des années 1800. Le premier nom inscrit sur cette stèle est celui de Charles, décédé en 1884. Si ce monument a été acheté lors de ce décès, il s’agissait d’un gros investissement dans un moment où les besoins ne devaient pas manquer.

 

Au total et selon toutes probabilités, nous avons ici une famille bien implantée, stable, respectée et avec des moyens financiers. Ce portrait global met encore plus en lumière notre fameuse question de départ : Pourquoi alors ne pas avoir pris en charge la petite Jeannette à sa naissance?

 

Également, je sais qu’une question vous trotte dans la tête depuis plusieurs pages. Cette question doit sans doute ressembler à ceci : Et George lui? Après tout elle avait un père cette petite! Il était où tout ce temps??  

 

Faisons très rapidement le point sur la situation des différents acteurs au moment du décès de Marie-Jeannette Cauchy le 27 octobre 1892.

 

La famille Winton

Nous l’avons vu, en 1892 cette famille était en pleine tourmente avec des drames successifs, ce qui rendait hautement improbable toute prise en charge de Jeannette. De plus, George, son père, conservait tous ses « droits » sur son enfant.

 

Le couple Peter et Mary Cauchy.

Le couple demeurait à seulement une quarantaine de kilomètres de Comins, village où George et Marie-Jeannette Cauchy avaient élu domicile. La distance n’était donc pas ici un facteur. Toutefois, en 1892, Peter Cauchy a déjà 62 ans, et sa femme 57. Ils sont déjà plusieurs fois grands-parents. Un autre événement important doit être signalé ici. L’avenir nous apprendra que Peter Cauchy décèdera moins de quatre mois après Marie-Jeannette Winton. Nous ne connaissons pas les causes de ce décès mais on peut émettre la possibilité que sa santé fût peut-être chancelante. Et même si, dès sa naissance, la petite Jeannette avait été transférée chez ses grands-parents, le départ de Peter a peut-être fait changer les plans après son décès? Rappelons que Mary, sa femme, est décédée seulement trois années plus tard. La question de sa santé se pose également, sans vraiment pouvoir y répondre.

 

La famille élargie de George

George avait des frères et sœurs dans la région. Quoique peu probable, il ne fallait pas écarter cette possibilité. Nous avons déjà vu qu’à cette époque chacun avait déjà beaucoup de bouches à nourrir. Mais outre cela, il aurait été incongru que, par exemple, la sœur de George, Thérésa, adopte la petite Jeannette alors que son père biologique « trainait » dans les parages. Il n’est pas exclus que Jeannette ai pu séjourner quelques semaines ou mois chez un membre de sa famille élargie mais cette solution ne pouvait être que temporaire, pour donner le temps à George de se « virer de bord ».

 

Le Curé du village

Vous savez ce que je pense de cette histoire de curé. Toutefois comme il est mentionné dans les documents des archives des Ursulines de Québec nous n’avons pas le choix de l’inclure dans les possibilités. Pour rappel, Jeannette aurait été confiée à ce curé qui par la suite l’aurait envoyée aux sœurs Ursulines de Roberval. Je ne vais pas répéter mes arguments, mais si un curé a joué un rôle dans l’histoire, ce n’est certainement pas en tant qu’adoptant, par simple définition. Au mieux il a été un facilitateur à quelque part dans tout le processus si tant est qu’il ait existé.

 

George lui-même

Ce n’est absolument pas innocemment que j’ai gardé George, père de Jeannette, pour la fin. Car s’il y a un acteur principal de qui il faut parler, c’est bien lui. Malheureusement pour nous, même après des dizaines d’heures de recherche à son sujet, ce personnage demeure très énigmatique. Vous le verrez plus loin, selon les documents disponibles il a la fâcheuse habitude, de sa naissance à son décès, de disparaître quelques années et réapparaitre dans un autre endroit tout-à-fait inattendu dans une situation toute aussi improbable. Chaque fois que je croyais le tenir pour de bon il disparaissait. Avait-il un tempérament nomade? Peut-être. Pour notre grand malheur, l’une des disparitions de George Cauchy survient au moment où nous aurions le plus besoin de lui, c’est-à-dire au décès de sa femme. La dernière trace légale que nous trouvons de lui est son mariage en août 1889. Nous avons évidemment une preuve indirecte qu’il était encore là neuf mois avant la naissance de Jeannette puisqu’il devait bien être présent pour la conception. Ceci nous amène donc en théorie en 1891. Après cela? Il ne va réapparaitre légalement qu’en 1898 lors d’un second mariage. Nous reviendrons sur ce second mariage à la fin de l’enquête.

 

Attention! Je ne dis pas ici que George Cauchy était absent lors de la naissance de Jeannette. Ce que je dis c’est que rien ne le prouve avec un papier légal. Un fait demeurait cependant. George Cauchy n’avait pas prit sa fille en charge. Soit par son absence, soit par son incapacité à le faire.

 

Ce constat était embêtant pour moi et la suite de l’enquête car il menait à un embranchement. D’un côté je possédais des documents légaux qui confirmaient qu’au moment du décès de Marie-Jeannette elle était bel et bien mariée, et de l’autre, j’avais deux fiches Internet qui mentionnaient « Living » à l’endroit où aurait du se trouver le nom de George. Le terme « living » signifie « En vie mais non présent ».

 

Cet embranchement se décrivait comme suit :

 

 - Si George Cauchy était présent physiquement au moment de la naissance de Jeannette et du décès de Marie-Jeannette, cela renforçait la thèse de la prise en charge temporaire de la famille Cauchy avant un rapatriement au Québec avec l’aide de la famille Cauchy du Québec. 

          

-  Si George Cauchy n’était pas présent physiquement au moment de la naissance de Jeannette et du décès de Marie-Jeannette, cela renforçait la thèse de la fille mère et du curé mentionné par le service des archives des Ursulines de Québec.

 

Il y avait aussi une troisième possibilité, moins probable mais possible, soit un mélange des deux premières : George était absent ET Jeannette avait été prise en charge temporairement par la famille Cauchy avant son retour au Québec.

 

Depuis le début de l’enquête cette idée de fille mère et de curé ne me rentrait pas dans la tête. Je ne savais pas pourquoi mais quelque chose ne marchait pas avec cette théorie. Pourtant, c’est ce que l’on m’avait dit à partir d’un organisme crédible alors je n’avais pas le choix d’en tenir compte. De plus, les conclusions à ce stade (l’absence possible de George Cauchy) pouvaient effectivement mener à ce chemin.

 

La fille mère et le curé

Pour résoudre cette énigme je du me « sortir du dossier » et prendre de longs moments de réflexions. La première question qui me venait à l’esprit était de savoir pourquoi le service des archives des Ursulines de Québec m’avait raconté cette histoire de fille mère et de curé alors que les faits démontrent que Marie-Jeannette Cauchy était mariée et que l’histoire du curé ne tenait pas la route pour les raisons expliquées au début de ce document. Ce service devait bien savoir qu’il existait au moins un document (l’acte de décès de Jeannette) qui contredisait cette histoire.

 

Revenons sur cette fameuse conversation avec la personne des archives. Comme on l’a vu, ce qu’elle me lisait n’était pas l’acte de décès mais bien un autre document. Ce document avait au moins un point en commun avec l’acte de décès, soit le lieu de naissance de Jeannette. Ces deux sources de renseignements étaient de toutes évidences indépendantes l’une de l’autre.

 

Je me posai alors la question « Pourquoi cette histoire de fille mère? ».  Le document que cette personne me lisait n’était certainement pas un document officiel comme un acte de naissance ou autre. Il s’agissait sans doute de notes manuscrites puisqu’il contenait des éléments biographiques de la petite, comme ses traits de caractère et le fait que les sœurs Ursulines l’avaient « adoptée ». Après tout, je ne posais pas des questions indiscrètes sur la fondatrice des Ursulines de Roberval mais bien, d’un point de vue objectif, au sujet d’une petite orpheline qui n’avait eu aucune influence sur le destin du couvent. Il n’y avait absolument aucune raison d’inventer une histoire et le fait de dire la vérité n’aurait pas fait scandale si l’on considère l’époque et les circonstances.

 

Vint en moi alors un mot. Ce seul petit mot allait me permettre d’élaborer une théorie que moi je crois plausible et qui explique ce « mensonge ». Ce mot était « adoption ».

 

Je l’écrivais au tout début de cette enquête, j’ai moi-même adopté deux filles. Comme tous les parents adoptants, il faut être prêt à répondre aux questions de son enfant à mesure qu’il grandit en respectant sa capacité de comprendre une situation. Il ne s’agit pas de mentir, mais d’utiliser des mots qui lui permettront de passer à l’étape suivante quelques années plus tard.  

 

La personne qui avait écrite cette histoire de fille mère et de curé l’avait faite il y avait plus de 115 ans. D’aucune façon elle n’avait rédigé ce mémo « au cas où, dans 115 ans, une personne pose des questions ». Non. Le contenu de ce message n’était pas pour moi ou pour quiconque d’autre. Ce message s’adressait à la petite Jeannette Cauchy en personne, et voici pourquoi.

 

L’époque n’a ici aucune importance. Que l’on soit en 2015, en 1900 ou avant, la question des origines pour un enfant est toujours importante. Lorsque l’enfant constate que sa situation correspond à ce qu’il voit autour de lui, c’est-à-dire qu’il a une mère, un père et que rien ne « cloche », il passe à autre chose, conforté dans son insécurité face à ses origines.

 

Il en est tout autrement pour l’enfant qui constate que lui, il est différent par rapport aux autres. Ça a été le cas pour mes filles (traits asiatiques) et ça a été le cas pour Jeannette. Jeannette a constaté très rapidement qu’il y avait quelque chose qui « clochait » dans sa situation. Tous les autres enfants parlaient de papa, de maman, de famille. Elle, elle restait seule avec les sœurs Ursulines. Même à Noël, même l’été. Il est impossible qu’elle n’ait pas posé de questions à ce sujet aux  sœurs Ursulines. 

 

Comme parents adoptants, la première réponse à donner à un enfant qui pose ses premières questions à ce sujet ressemble à ceci : « Ta maman t’aimais fort mais elle ne pouvait s’occuper de toi. Elle a préféré te confier à un orphelinat pour que plus tard tu sois bien et heureuse avec un nouveau papa et une nouvelle maman ».

 

Lorsque Jeannette, constatant ses différences, a posé cette question aux sœurs Ursulines, il fallait bien répondre quelque chose qu’elle était en mesure de comprendre à son âge. Dans le contexte précis qui nous concerne, moi, j’aurais répondu ceci : «  Ta maman t’aimais fort mais elle ne pouvait s’occuper de toi. Elle a préféré te confier à un monsieur curé pour que tu sois bien et heureuse avec nous ».

 

Ceci n’était pas un mensonge, mais ne pas tout dire. Sinon, quoi répondre à une enfant de six ou sept ans qui pose cette question? « Ta mère est morte à cause de ta naissance, ton père ne voulait pas s’occuper de toi alors il a bien fallu que quelqu’un le fasse »?? Évidemment que non. Cette dernière phrase est exagérée mais elle démontre que les sœurs Ursulines ont du gérer une situation délicate tout en ne traumatisant pas une enfant qu’elles avaient « adoptée ».

 

Je crois personnellement que c’est ce message de fille mère et de curé que Jeannette Cauchy a reçu et que c’est avec cette idée sur ses origines qu’elle est décédée, n’ayant pas eu le temps de se rendre à l’étape suivante de sa capacité à comprendre. Je crois également que c’est ce message qui a perduré dans le temps et a terminé sur mon propre calepin de notes lorsque j’ai parlé au service des archives. Ce n’était pas un mensonge, c’était simplement ne pas tout dire

 

Le retour au Québec

À la fin avril 2015, la théorie la plus plausible pour moi était la suivante : George Cauchy avait été présent lors de la naissance de sa fille Jeannette. Après le décès de sa femme, il s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre soins de la petite. Il a demandé l’aide de sa famille immédiate pour quelques temps. La famille ne désirait pas que Jeannette soit confiée à une crèche du Michigan pour y être adoptée car ils auraient perdu tout contact avec elle. Ils ont prit contact avec leur famille du Québec, soit de Tingwick près de Sherbrooke, soit de la ville de Lévis ou de Québec où cette famille tirait ses racines.  

 

La  famille Cauchy du Québec a gardé Jeannette jusqu’à l’âge scolaire avant de contacter les sœurs Ursulines de la ville de Québec et l’inscrire comme pensionnaire, puis, pour une raison encore inconnue, elle a été transférée au couvent des Ursulines de Roberval. Cela avait l’avantage de pouvoir garder contact en cas d’urgence, comme par exemple lors du feu de 1897 où elle a pu être retournée dans sa famille le temps de quelques semaines. On a vu que sa famille du Michigan avait les moyens de compenser financièrement soit sa famille du Québec, soit les Ursulines de Québec, ou les deux. Au décès de Mary Cauchy, femme de Peter, en 1896, peut-être que cette compensation a arrêté et que c’est à ce moment que Jeannette Cauchy a prit le chemin de Roberval en tant qu’orpheline. On connaît la suite. Tout cela reste hautement spéculatif pour certains aspects mais en gros ça tenait la route.

 

Chose certaine, selon moi, c’est la famille Cauchy du Michigan qui est à l’origine de son arrivée au Québec. Ils en avaient les moyens financiers et, étant dans l’impossibilité de la prendre en charge, ils ont préférés ne pas « tout perdre » en contactant leur famille ici.

 

Tant qu’à savoir QUI a accompagné la petite Jeannette au Québec, nous ne pouvons pas le savoir exactement mais il est possible, par élimination, de faire un profil type de la ou les personnes. Il faut savoir qu’un voyage en train sur une telle distance était une grosse aventure demandant plusieurs jours. La nature du « colis » et le lieu géographique imposent certaines contraintes qui vont nous aider. Premièrement, la langue. Il fallait qu’au moins une personne l’accompagnant parle français. Deuxièmement, les soins de bases à donner à Jeannette pendant le voyage. Un poupon, qu’il soit dans un train ou pas, a besoin de soins de bases. Pour cette raison, si l’on considère l’époque, je vais être obligé d’être sexiste le temps de quelques lignes et affirmer que dans ce voyage il devait y avoir une femme. Elle était peut-être seule, mais je crois plutôt qu’elle était accompagnée par un homme pour l’aider dans les dédales du voyage. Ce n’était pas nécessairement un couple mais au moins l’une des personnes devait faire partie de la famille Cauchy du Québec. Puisqu’au moins l’une de ces personnes devait parler français et connaître la famille, j’opte pour que cette personne soit née ici. En 1892-1893, il y a quelques combinaisons possibles. Je vais donner quelques exemples sans que ça soit NÉCESSAIREMENT l’une de ces personnes.

 

- Son père George

- La mère de George, Mary

- L’une des sœurs de George qui était née ici?

- L’un des frères de George qui était né ici?

- ?

 

En tout état de cause et peu importe qui a fait ce voyage, il fallait prévoir un périple de 8 à 10 jours si l’on considère le temps pour se rendre en train, passer quelques jours au Québec pour régler les choses et revenir.

 

Aussi, point important. Il n’y avait pas que la petite Jeannette et les accompagnateurs dans le train. Il y avait également des papiers légaux. Pas le choix. Nous n’étions absolument pas dans un cas d’abandon d’enfant trouvé dans une boîte de carton sur le trottoir en face d’un orphelinat tôt le matin. Au contraire, le tout était structuré et organisé. Ce qui implique que ces gens avaient avec eux des papiers légaux. Comme par exemple l’acte de naissance et de baptême (Si elle a été baptisée au Michigan). Le fait d’avoir ces papiers au Québec allait faciliter les différentes démarches comme les inscriptions (École, orphelinat, couvent, etc.). Jeannette n’était donc pas une « sans papiers », et les papiers, il a bien fallut que ça soit des adultes qui les transmettent aux bonnes personnes…

 

Voici pourquoi je suis certain de ce fait : J’aimerais vous reporter au tout début de l’enquête, plus précisément à l’acte de décès de la petite le 5 juin 1901. Revoici le texte.

 

« Le cinq juin 1901, nous prêtre soussigné avons inhumé dans le cimetière des révérendes dames Ursulines de cette paroisse le corps de Marie-Jeannette fille issue du légitime mariage de George Couchy et de Marie-Jeannette Winton de la paroisse aux sables de l’état de Michigan, décédée l’avant-veille dans cette paroisse à l’âge de 9 ans. Présents à l’inhumation Thomas-Louis Paradis et Joseph Gauthier qu’ont signé avec nous lecture faite ».

 

Rappelons que ceci a été rédigé le 5 juin 1901 à plusieurs milliers de kilomètres du lieu de la naissance de Jeannette et neuf ans après sa venue au monde. Les gens qui ont rédigés ce texte n’ont pas eu une « illumination soudaine » sur les détails de ses origines. Ils ont prit ces informations quelque part. Il faut se poser la question « Où se trouve habituellement ces informations? ». Sur l’acte de naissance d’une personne, évidemment. Toute chose étant égal, j’en viens à cette affirmation : Peu importe le chemin qui a mené Jeannette du Michigan à Roberval, ce papier légal (ou moins probable une recopie de ces détails) a TOUJOURS suivi la petite. Comme nous étions en 1901, cela veut dire que ce papier a survécu à l’incendie du couvent de Roberval en 1897 (Si Jeannette s’y trouvait déjà), et cela veut également dire que ce papier avait toutes les chances de s’être retrouvé dans les archives du couvent de Roberval. Archives qui se trouvent aujourd’hui au service des archives des Ursulines de Québec. Certes il a pu être détruit ou perdu depuis ce temps, mais il y avait encore une chance. Pour continuer, je devais maintenant prendre rendez-vous avec ce service. J’allais peut-être faire chou blanc car ces archives sont privés et on nous montre bien ce que l’on veut nous montrer. Mais je devais tenter ma chance.

 

Première semaine de mai 2015, j’entre donc en contact pour une première fois depuis l’épisode de 2007 avec le service des archives des Ursulines à Québec. Dans un premier temps j’expliquai ma démarche et envoya une version écourtée du présent document en joignant une série d’interrogations. La réponse ne fut pas longue à recevoir mais elle n’annonçait rien de bon. À savoir que l’incendie du couvent de Roberval en 2002 avait détruit en grande partie les archives qui s’y trouvaient encore. De plus, ce qui restait n’était pas encore traité et aucun projet en ce sens ne semblait être au programme.

 

Une semaine plus tard je reçu une seconde communication tout aussi décevante. Le service des archives avait fait des recherches et absolument rien ne faisait référence à la présence de Jeannette Cauchy à Roberval. On m’expliqua que les incendies successifs du couvent de Roberval (1897, 1919, 1952, 1967 et évidemment 2002) avaient eu raison de presque tous les documents.

 

À moins d’un miracle je devrais donc me contenter d’hypothèses et de probabilités les plus crédibles possibles. Cette période de la présence de Jeannette Cauchy au couvent de Roberval et le chemin qui y mena restera donc un dossier ouvert jusqu’à la découverte d’autres éléments extérieurs aux archives des Ursulines, sauf si un jour on retrouve par hasard quelque chose qui aura échappé à tous.   

 

Le décès de Jeannette

Je le disais au tout début, la mention « Elle est morte d’une maladie cardiaque » ne me satisfaisait absolument pas. Évidemment je devais tenir compte de la connaissance de la médecine en 1901. Aujourd’hui, décéder d’une « maladie cardiaque » peut vouloir dire des dizaines de possibilités. Était-ce encore une fois « ne pas tout dire »? Honnêtement j’en doutais. Il n’y avait pas de raison de douter. J’étais déjà convaincu depuis le début que cette cause était réelle. L’approximation que nous voyons aujourd’hui était simplement du à un manque de connaissance de l’époque. J’étais donc prêt à accepter ce fait lorsqu’un document inattendu et n’ayant en apparence aucun rapport avec Jeannette me « sauta en plein visage ».

 

La vie me donna alors une belle leçon : on ne sait JAMAIS quel chemin nous mènera à la solution pour résoudre un problème.

 

Bien que je croyais avoir en grande partie terminé cette enquête et atteint mon objectif, j’étais encore trop proche de ces familles pour ne pas me poser certaines questions qui, sans qu’elles soient en rapport direct avec Jeannette, étaient tout de même dans mon esprit. L’une d’elle était « Et George lui, il a fini sa vie comment finalement? ». Après tout, c’était le père de Jeannette non?

 

Je le disais plus haut, George Cauchy réapparait en 1898. Je ne sais pas ce qu’il a fait entre le moment où Jeannette a quitté pour le Québec et 1898, mais on le retrouve à ce moment grâce à son second mariage avec une personne se nommant Adèle Mailloux. Je vais prendre la peine de mentionner la date exacte de ce mariage car la suite, vous allez le voir, est assez déroutante. 

Juillet 1898 donc. La validité de ce mariage était indiscutable avec les prénoms et noms des parents de George Cauchy. Le lieu de ce mariage était par contre surprenant, soit dans le comté de Garden. Ce comté est à des centaines de kilomètres de celui de son premier mariage. Surprenant mais pas impossible, et de toutes façons indiscutable.

 

Je vais vous faire ici un aveu. Après la découverte de ce mariage en 1898 j’eu très peur que mon château de cartes s’écroule au complet. Pourquoi? Parce que quelques semaines auparavant j’avais découvert un autre mariage de George Cauchy. Je gardais ce document pour la fin de l’enquête afin de vous raconter la fin de vie de George. Le moment de ce troisième mariage? Avril 1900, soit seulement 21 mois après celui avec Adèle Mailloux.

 

Cela faisait beaucoup de mariages en peu de temps…

 

Jusqu’à maintenant dans cette enquête j’avais réussis à arrimer les différents événements les uns aux autres avec des documents légaux. Soit des actes de décès, de mariage, des recensements de différentes époques, etc. Prouvant hors de tous doutes que je parlais toujours des bonnes personnes malgré les risques de confusions possibles. Toutefois je n’arrivais pas à trouver un lien légal entre le George Cauchy qui avait marié Marie-Jeannette Winton et Adèle Mailloux du George Cauchy qui avait marié Anna Farley quelques mois plus tard. La découverte de ce mariage entre George Cauchy et Adèle Mailloux compliquait encore plus les choses.

 

 

MISE À JOUR 22 OCTOBRE 2015

 

Heureusement la chance fut avec moi et en octobre 2015 la découverte du certificat de décès d’Adèle Mailloux expliqua la situation. Malheureusement les circonstances de ce décès sont tragiques. Adèle Mailloux, 20 ans, dont les parents étaient originaires du Québec et avaient émigrés au Michigan, décéda lors d’une fausse-couche. Pour une seconde fois George Cauchy se retrouvait veuf. Voici le certificat de décès de la jeune Mailloux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce mariage a donc été très bref (10 mois) et 21 mois plus tard, George Cauchy épousait Anna Farley.

 

FIN MISE À JOUR 22 OCTOBRE 2015

 

Mais voilà, un mariage impromptu à 21 mois de distance venait se glisser entre les deux. Ce n’était rien pour me rassurer et il me fallait donc une preuve du mariage avec Anna Farley. Je pris encore une fois mon « bâton du pèlerin » et révisa toutes les appellations que j’avais rencontrés pendant l’enquête. Autant pour George Cauchy (Geo, Couchy, Cauchy, Couch, Canchie, Canchy) que pour Anna Farley et j’essayai toutes les combinaisons possibles dans les moteurs de recherches Internet. Je fini par retrouver ce mariage. Pas étonnant que je n’avais rien trouvé avant puisque George Cauchy était sous le nom de Canchy et qu’Anna Farley était sous le nom de Delema Farley. Voici la preuve de ce troisième mariage de George Cauchy.

Pour la petite histoire, les origines d’Anna Farley sont moitié Irlandaise et moitié… québécoise. Le couple vit alors dans l’extrême nord de l’État du Michigan, dans le comté de Delta, village de Ford River. Fait intéressant, ce village est un village amérindien. À cette époque, bien que le Michigan soit un lieu de colonisation, le comté de Delta était encore un lieu de « coureurs des bois ». Les structures civiles étaient encore rares. D’ailleurs, si vous prenez la peine d’aller voir à quoi ressemble ce comté aujourd’hui, il est encore un lieu de chasse, de pêche et de villégiature.

 

Je retrouve donc George Cauchy en ce lieu en 1900 lors de son troisième mariage. Voici, l’une des preuves indirectes que j’ai retrouvée de cette union. Il s’agit de la liste des enfants de Marie Delia Lamirande et Joseph Farley, parents d’Anna Farley. Comme je l’écrivais c’est grâce à cette fiche que j’ai pu retrouver le village natal de la famille Cauchy qui par la suite me mena au recensement de 1871 pour confirmer le tout (Voir recensement de cette famille plus haut). 

Après le mariage avec Marie-Jeannette Winton en 1889 et celui avec Adèle Mailloux en 1898, George Cauchy épouse Anna Farley le 23 avril 1900 toujours dans le village de Garden, comté de Delta, au Michigan. À peine neuf mois plus tard le malheur frappe Anna avec le décès prématuré de sa mère, à l’âge de seulement 40 ans. Marie Delia s’était mariée à 16 ans et elle avait eu 14 enfants en 24 ans. Voici son certificat de décès. La cause est très difficile à lire mais tout aussi inquiétante : débilité causé par auto ingestion et multiples infections. 

Puis, en octobre 1902, à peine 19 mois plus tard, cette fois c’est le couple Cauchy Farley qui est frappé par une tragédie : le décès de leur premier enfant. La petite se nomme Annie Delema Cauchy. Elle a à peine un an lors de son décès. Vous comprendrez que de scruter un acte de décès d’une petite fille de quelques mois n’a rien de très réjouissant peu importe l’époque.

 

C’est alors que mes yeux tombèrent sur la cause du décès de la petite…

Voici le certificat de décès. 

… Dilatation du cœur….

 

J’étais bouche bée. Il me fallut un moment pour réaliser et faire le lien. Je me dis alors « Non… impossible… ».  

 

Je ne vais pas ici vous faire un cours sur les maladies cardiaques mais simplement résumer en quelques lignes les faits.

 

- Une malformation cardiaque a souvent une cause héréditaire;

- La mère ou le père peut transmettre le gène qui cause la maladie;

- Dans le cas du père, son enfant a une chance sur deux de recevoir ce gène;

- Un enfant atteint, à cette époque, vit rarement plus de dix ans, et décède souvent en bas de deux ans.

 

J’étais assommé. C’était le décès malheureux d’une petite fille d’un an à 2000 kilomètres de Roberval en 1902 qui confirmait la cause du décès de Jeannette. Sans compter que ce n’était pas la même mère. Le porteur de ce gène fatal pour la moitié de ses enfants, c’était George Cauchy en personne…

 

Je vais avouer qu’en tant que père je fus triste pour lui un instant. Lui ne le savait pas à ce moment (Et l’a-t-il su un jour?), mais deux de ses filles étaient décédées en un an à cause de cette maladie qu’il transmettait sans le savoir.

 

Après ce décès, le couple George Cauchy et Anna Farley déménagea encore et s’établit pour de bon dans la ville de Saint-Louis au Minnesota. Avant de vous dire « bof, ce n’est plus vraiment important le destin de ce couple maintenant », lisez ce qui suit.

 

Nous ne connaissons pas l’année de leur déménagement au Minnesota mais nous savons que par la suite le couple a eu au moins quatre autres enfants en plus de la petite Annie. En 1907 une autre petite fille nait de ce couple, puis, entre 1910 et 1919, trois autres enfants dont deux garçons.

 

Le prénom de la petite née en 1907? … Jeannette. Était-ce parce qu’entre-temps il avait appris le décès de sa première fille avec Marie-Jeannette Winton et qu’il voulait rendre hommage à sa mémoire? Était-ce parce qu’il regrettait de l’avoir perdu et qu’il n’avait pas eu de nouvelles depuis? Était-ce en fait pour sa première femme décédée? Seul lui aurait pu répondre…

 

Vint ensuite William, Isabelle et… Peter, comme son père. Petit fait anecdotique, Isabelle Cauchy ne mourut que très récemment, en 2008. Cela me fait étrange de penser que le roman Laurence était écrit depuis déjà quelques années au moment de son décès et qu’elle ignorait sans aucun doute qu’elle avait une « demi-sœur » dans un cimetière d’une petite ville du Lac St-Jean.

 

Peter Cauchy lui mourut en 2002. Il servit l’armée des États-Unis pendant la seconde grande Guerre.

 

Quand à George? Il s’éteint en 1946 à St-Louis, trois ans après sa femme Anna.

 

Il a été impossible à ce jour de trouver des traces de leurs autres enfants dont Jeannette.

 

Sa « deuxième » famille

Cette enquête avait pout but premier de retracer les origines de Jeannette Cauchy. Toutefois, en cours de route, nous avons appris que Jeannette avait une seconde famille. En fait je dis « seconde famille », mais ceci est une observation avec nos yeux du 21ième siècle. Dans les faits à cette époque, cette famille devait être pour Jeannette sa première et seule famille. Je veux évidemment parler des sœurs Ursulines de Roberval. Nous savons qu’elles l’ont adoptée et aimée. Qu’elles la considéraient comme étant leur fille. Je m’en voudrais donc de ne pas mentionner ce fait, puisque dans la vie de Jeannette Cauchy elles étaient importantes. Voici ici la liste complète de toutes les « mamans » de Jeannette Cauchy. Cette liste date de mars 1901, trois mois à peine avant son décès. Chacune des personnes présentes sur cette liste côtoyait Jeannette à tous les jours. Elles ont sans aucun doute pleurées son départ et elles étaient présentes lors de la cérémonie la menant en terre pour son dernier repos. Ce sont elles qui enseignaient à Jeannette, ce sont elles qui la nourrissait et c’est elles que Jeannette accompagnait au village. Ces personnes ont été importantes dans sa vie. Je crois que j’avais un devoir de le mentionner. 

Remerciements

Céline Paradis pour son soutien, son implication autant physique que moral et son aide à tous les niveaux.

Ysabel C. Gagnon pour sa relecture et critiques.

Klair Girard pour sa recherche sur les pierres tombales du cimetière des Ursulines de Roberval.

 

Ouvrages papier consultés pour cette enquête :

 

Histoire de Roberval, Rossel Vien, 1955

Histoire de Mère Saint-Raphaël, Alphonse Désilets, 1932

 

Sites Internet

Ancestry

Findagrave

Familysearch

Censusrecords

Myrelatives

Seekingmich

Iagenweb

Mocavo

Uscensus

Googlemap

CollectionsCanada

Mooseroots

Interment

Yasni

Souches

Remigagnon

Genealogy

Books.google

Geni

Archiver.rootsweb

Environment.nsw.gov

Mytrees

Skmacnutt

Myheritage

Memoriallibrary

Bigmaybe

Mashpedia

Apple

Automatedgenealogy

Acanadianfamily

Cdq.cieq

Marcoliviermailhot

Wikipedia

Lequebecunehistoirede

 

 

 

 

 

 

Jeannette,

Les origines...

Me contacter pour questions ou autres!

Mot de la fin

 

Malgré les centaines d’heures de recherche, la présente enquête laisse des questions en suspends. C’est pour cette raison que j’ai décidé de la publier gratuitement sur la plateforme Internet. Pourquoi? Premièrement parce que le support papier n’est pas modifiable une fois imprimé et deuxièmement parce que cela va me permettre d’ajouter des éléments au fil des années à venir. Pour cela, outre mes propres efforts, je vais avoir besoin de vous. Je suis convaincu qu’à plusieurs endroits il existe encore des traces du passage de Jeannette et de sa famille dans notre monde. Que ça soit dans une boite à souliers remplis de vieilles photos de vos aïeux, dans les archives de certaines villes ou villages ou ailleurs. Considérant ce fait, je ne peux qu’espérer que vous partagerez cette enquête afin que le maximum de personnes puisse la lire, l’apprécier, et qui sait, peut-être la faire avancer d’une manière ou d’une autre.

 

Au total je suis très satisfait du résultat « final » mais temporaire et j’espère sincèrement que vous avez eu autant de plaisir à lire cette enquête que moi j’en ai eu à la rédiger.

 

Vous avez des questions, des commentaires ou de nouveaux éléments, vous pourrez me rejoindre facilement via courriel, par messagerie Facebook ou en envoyant un message sur ce site.

 

Merci et au plaisir!

 

Christian Tremblay

editionsmakarou@hotmail.com

Vos informations ont bien été envoyées !

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